Lancée vendredi 14 novembre au ministère de la Culture, l’année Malraux 2026 proposera, sous le haut patronage de l’Élysée, un programme dense pour marquer le cinquantenaire de la disparition d’André Malraux : exposition « Malraux et l’art moderne. De Degas à Zao Wou-Ki » au MuMa du Havre, rééditions chez Gallimard, Flammarion et Grasset, projets pédagogiques avec l’Éducation nationale ou encore un festival à la Maison française de l’Université de New York... Cette commémoration nationale entend réactualiser l’œuvre et les engagements de l’écrivain et ancien ministre. Entretien avec Céline Malraux, présidente de la commission du cinquantenaire, et nièce d'André Malraux.
Livres Hebdo : Comment présenteriez-vous cette année d'hommage, en tant que présidente de commission mais aussi comme membre de la famille d'André Malraux ?
Céline Malraux : D’abord, si je dois parler au nom de la famille, puisque c'est ma position avant tout, c’est avec beaucoup d’émotion que je le fais. Nous sentons que c'est nous, la nouvelle génération, qui reprenons ce devoir de transmission, de valorisation de l'œuvre et de l'héritage intellectuel et politique d'André Malraux. Nous avons vraiment à cœur d'actualiser cette figure. C'est l'un des grands enjeux de ce cinquantenaire, notamment parce que les jeunes générations, aujourd'hui, ne lisent plus vraiment Malraux.
Son absence des programmes scolaires joue-t-elle un rôle dans cette méconnaissance ?
C'est ça. Il y a fort à parier qu'il le sera un peu plus dans l'année à venir parce qu'on a de belles collaborations avec l'Éducation nationale. Elle devrait mobiliser les écoles, les collèges, les lycées. Un des objectifs est d’actualiser cette figure de Malraux, faire connaître ses écrits, ses engagements. Je crois que c'est vraiment très important de comprendre qu'on peut se référer à cette figure aujourd'hui et qu’il nous donne une hauteur de vue sur ce qui se passe autour de nous, sur un monde un petit peu chancelant à certains égards. C'est un vrai guide, je crois, et une référence.
Vous évoquez plusieurs dispositifs destinés à toucher les jeunes générations. Quels sont les axes pour aller vers ce public ?
C’est l'une de nos grandes priorités, vraiment. C'est pour cela que nous avons des propositions avec la Fnac et avec l'Éducation nationale. Certainement aussi avec des formats plus performatifs dans les musées, des propositions un peu différentes, qui ne seront pas descendantes mais participatives. Ceci dans l’objectif que les visiteurs puissent s'atteler à ce que c'est qu'un musée imaginaire, réfléchir à la métamorphose des œuvres et, finalement, s'approprier tous ces concepts qui semblent difficiles, mais qui, avec un peu de médiation, sont finalement très universels et très accessibles.
Mais au-delà de ça, je crois que Malraux, est présent dans notre quotidien et qu'on ne le sait pas. Et il faut le faire savoir.
Quels seront les autres grands projets portés par la commission dans le cadre de cette année commémorative ?
Nous avons établi un commissariat général, qui cherche une cohérence et une complémentarité des propositions. Parce qu'on ne lit plus et on ne comprend plus André Malraux en 2026 comme il y a 30 ans à son entrée Panthéon, ou comme au moment de sa mort. Les temps ont changé, mais Malraux demeure. Pourquoi est-ce qu'il demeure ? C'est ce que tous ces événements vont tenter d’apporter comme réponse. Et cela passera par des propositions innovantes, avec, par exemple, un colloque qui met en dialogue Haby Warburg et André Malraux.
Concernant plus spécifiquement l’œuvre littéraire de Malraux, quels titres feront l’objet de rééditions ?
Nous avons prévu la réédition chez Gallimard, éditeur historique d'André Malraux, du Démon de l'Absolu, la biographie de Laurence d'Arabie, qui n'existait que dans la Pléiade. Il y aura aussi une réédition de l'essai sur Goya, Saturne, en 2027, pour se rapprocher du bicentenaire de Goya. Également, en tiré à part, l'Esquisse d'une psychologie du cinéma, un texte fondateur pour la critique du cinéma.
Il y aura ensuite la réédition de La Tentation de l'Occident, historiquement chez Grasset mais réédité en coédition avec Flammarion en beaux livres avec les lithographies de Zao Wou-Ki réalisées pour l'édition de 1962. Aujourd'hui, c'est un livre de collectionneurs qui se vend à des prix stratosphériques dans les salles d'enchères. Il s'agira d'une édition en chinois-mandarin. Ça, c'est vraiment un projet magnifique.
Notons aussi les sorties de La Reine de Saba aux éditions du Cerf, ou des Marronniers de Boulogne chez Bartillat. C'est un ouvrage très intéressant pour comprendre le Malraux intime. Sortira enfin Un Dictionnaire amoureux de Malraux chez Plon par Hervé Gaymard. Et la liste n'est pas exhaustive.
Si vous deviez résumer l’ambition de cette année Malraux en une phrase, laquelle choisiriez-vous ?
Je pense qu'on pourrait se référer à la phrase d'André Malraux : « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert ».