Rien ne permet de définir clairement Banc : ni le genre, ni l'âge, ni le passé. Même son nom est inconnu. Celui qui lui a été attribué « en attendant » se réfère au lieu où il a été retrouvé endormi : sur le banc d'une église, lieu d'asile dans un village sans nom du sud des États-Unis. Lorsque la famille Gladstone l'accueille chez elle, Banc ne répond pas aux questions. Banc est l'infans, « celui qui ne parle pas », l'indéfini. Banc refuse de se déshabiller pour son examen médical. La peur s'installe face à cet étranger. Alors qu'on l'invite tout d'abord à s'exprimer, progressivement on lui demande de « coopérer ». Il - elle ? - n'est pas comme Nelson, le réfugié qui vit chez les voisins.
Catherine Lacey opère une méticuleuse articulation entre l'intériorité d'un personnage et son environnement, de plus en plus hostile, qui l'exclut et le culpabilise de ne pas correspondre à ses normes. La force du texte tient à la marginalité indéfinie du personnage. Banc pourrait être un exilé, une trans, une ou un outsider. Et tandis qu'iel ne dit rien, Banc écoute les villageois, et révèle leurs pensées profondes. Son mutisme leur offre un espace pour s'épancher sans trop réfléchir, comme s'ils se parlaient à eux-mêmes, bien plus transparents que lorsqu'ils lavent leurs manquements de l'année à chaque Fête du Pardon. Et tandis qu'ils se confessent, Banc rêve de sortir de son corps qui sans cesse exige, trahit, et le rappelle à sa « solitude hésitante et animale ». Partir de la communauté, disparaître, « renoncer à tout », n'« être rien, pour de bon ».
Banc Traduit de l’anglais (États-Unis) par Myriam Anderson
Actes Sud
Tirage: 2 800 ex.
Prix: 22 € ; 240 p.
ISBN: 9782330164089