Après cinq semaines de perturbations du commerce induites par les manifestations des « gilets jaunes », l'impact additionnel de l'attaque de Strasbourg fait douter qu'il soit encore possible, à dix jours de Noël, de redresser significativement une courbe des ventes de livres décidément mal orientée depuis l'été. Même le déport d'une partie des achats vers Internet ne devrait pas suffire à compenser le chiffre d'affaires perdu par les éditeurs, tandis qu'il fragilise le réseau commercial physique du livre, indispensable à un marché d'offre. A l'heure du bilan final, en dépit d'un premier semestre encourageant, l'année 2018 ne marquera pas d'embellie par rapport à l'année précédente perturbée par les élections.
La mévente des nouveautés de la rentrée littéraire reste le phénomène le plus inquiétant en ce qu'il suggère une évolution structurelle du lectorat. Les ventes en exemplaires des romans apparus parmi les meilleures ventes, par ailleurs plus nombreux qu'à l'automne 2017, ont reculé de 22 % à un an d'intervalle. Alors que rien ne permet de juger la rentrée littéraire 2018 qualitativement inférieure à la précédente, on ne peut s'empêcher de penser que, à la faveur du renouvellement des générations, s'installe dans le public un nouveau rapport à la fiction. Il bénéficie aux séries audiovisuelles, mais aussi à la littérature graphique produite par une édition de bande dessinée transformée et diversifiée.
Dans le même temps, la vitalité de la littérature populaire, fécondée par l'esprit « feel good », persiste. Le livre pour la jeunesse résiste même si les éditeurs souffrent d'une surproduction. Plusieurs secteurs affichent une belle santé : psychologie populaire, bien-être, ésotérisme et même le religieux, qui ressuscite après une longue période de difficultés. Les libraires ne s'y trompent pas, qui ont ouvert un nombre record de librairies cette année. Autant de raisons d'espérer une meilleure année 2019.