Bernard-Marie Koltès, décédé en 1989, revit cet hiver à Paris avec trois pièces de théâtre: Dans la solitude des champs de coton, Roberto Zucco et Le Retour au désert, tous parus aux éditions de Minuit, y compris en format numérique.
 

Dans la Solitude des champs de coton, pièce écrite en 1985, a conservé toute sa rage, sa violence intérieure et son désir dans ce duel entre un dealer et un client. Au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, la mise en scène de Roland Auzet, par ailleurs créateur de l’habillage musical qui accompagne le texte, surprend les spectateurs. Les voici debout, munis d’un casque, sur la scène. Anne Alvaro et Audrey Bonnet déambulent parmi eux, et commencent à jouer. Le texte et ses questions essentielles et existentielles nous interpellent. On entend le moindre souffle, on ressent la moindre faille. L’expérience immersive, qui renforce l’intensité des phrases parfois crues de Koltès tout en lui conférant une intimité inédite, continue lorsqu’il faut s’asseoir, toujours avec le casque, afin d’observer la confrontation tragique et désenchantée entre les deux comédiennes. C’est la première fois que ce texte, le plus célèbre de l’œuvre de l’auteur, est joué par deux femmes, soulignant ainsi "combien son propos est plus que jamais d’actualité".
 
Roberto Zucco, pièce écrite en 1988, est un tueur en série qui a inspiré scénaristes, écrivains et dramaturges. Dans la version de Richard Brunel, mise en scène au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Pio Marmaï incarne cet homme dérangé, qui déraille et croise la Gamine, jeune fille exaltée cherchant à fuir sa famille. Là aussi, la violence est froide et ambiguë. Elle fait écho à celle plus contemporaine des attentats récents perpétués à Paris. Le tueur devient ainsi le symptôme d’une société malade.


Le Retour au désert, également daté de 1988, est une création d’Arnaud Meunier pour le Théâtre de la ville à Paris. Catherine Hiegel et Didier Beace emmènent la troupe chargée d’explorer les relations troubles entre l’Algérie et la France, le bourgeois et l’étranger. Sous un mode fantastique, le texte n’a hélas pas vieillit dans son propos, évoquant le racisme latent et les peurs qui habitent la classe moyenne française. Le retour au désert avait provoqué l’Affaire Koltès en 2007 quand François Koltès, le frère de l’auteur, avait refusé de renouveler le contrat d’exploitation de la pièce par la Comédie Française. La polémique est l’objet d’un livre, L’affaire Koltès: retour sur les enjeux d’une controverse, de Cyril Desclès (L’œil d’or, 2015).

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Enfin, prenons rendez-vous en avril, toujours aux Bouffes du Nord, avec Pippo Delbono qui, dans La Notte, donnera sa voix à La nuit juste avant les forêts, monté à Avignon en 1977.

• Dans la solitude des champs de coton: jusqu’au 20 février aux Bouffes du Nord et en tournée dans toute la France en 2016/2017.
• Roberto Zucco: jusqu’au 20 février à Saint-Denis et en tournée à Caen, Orléans et Clermont-Ferrand en mars.
• Le retour au désert: en tournée à Lyon, Caen, Lons-le-Saunier en février.