Du mercredi 26 novembre au lundi 1er décembre, le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil (SLPJ) a tenu sa 41ᵉ édition sous le signe de « l’art de l’autre ». Avec 196 000 visiteurs au compteur, un chiffre relativement stable par rapport à l’an passé, l'événement a confirmé son statut de rendez-vous incontournable en banlieue parisienne.
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Parmi le public, 30 000 scolaires ont défilé entre les allées, du mercredi au vendredi, découvrant plus de 400 maisons d’édition venues du monde entier et rencontrant quelque 2 000 auteurs et autrices. Si la joie des retrouvailles était palpable, elle n’a toutefois pas suffi à faire oublier un contexte économique morose, ni le recul marqué du marché de l’édition jeunesse. Sur place, éditeurs et libraires ont constaté un bel engouement, mais ont tout de même déploré un pouvoir d’achat plus maîtrisé et des dépenses plus contenues que de coutume.
« Le livre reste un objet précieux pour beaucoup de familles »
« La gratuité a un effet très efficace sur le public qui se sent le bienvenu, et finit par prendre ses habitudes. Les familles ont été nombreuses, venant de tous les milieux et de toute la région parisienne. L’effet des pépites littéraires s’est également fait sentir avec des ruptures de stock sur certains titres. Je craignais que le panier moyen s’écroule, mais ce n’est pas le cas : le livre reste vraisemblablement un objet précieux pour beaucoup de familles », résume Sylvie Vassallo, présidente de la manifestation.
Cette année, plusieurs éditeurs ont également salué l'aménagement des stands, qui a quelques fois contribué à une meilleure visibilité. - Photo ECPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Un regard partagé par Séverin Cassan, secrétaire général d’Actes Sud, qui évoque « une belle édition », portée, pour le groupe, par la consécration de Courir le vaste monde d’Alex Cousseau (Rouergue), lauréat de la pépite fiction ados. Satisfait de la reconfiguration du salon, qui a notamment permis aux maisons du groupe Actes Sud d’être regroupées et de bénéficier d’un vaste espace au rez-de-chaussée, il note toutefois « une irrégularité des ventes selon les jours » et « des paniers moyens en baisse ».
« Ce ne sera pas notre meilleure année », confirme Caroline Fournier, cofondatrice des éditions On Ne Compte Pas Pour Du Beurre, qui partageait son stand avec les autres éditeurs du Grand Est. « Là où les gens avaient tendance à acheter deux ou trois livres, ils n’en prennent, cette année, plus qu’un », détaille-t-elle, épinglant une journée du mercredi particulièrement « difficile ».
Portée par le succès du deuxième manga du youtubeur Inoxtag, meilleure vente de la maison durant le salon, ainsi que par ses titres fantasy pour adolescents, Michel Lafon Jeunesse s’en tire honorablement, bien que sa responsable éditoriale Laurence Bareyre rapporte de « grosses difficultés sur l’album ». « On sent que les gens ont un budget auquel ils ne dérogeront pas », détaille-t-elle, notant que les auteurs moins connus peinent davantage à attirer le public lors des séances de dédicaces.
« La littérature jeunesse forme les lecteurs de demain »
Évidemment, les expériences varient d’une maison à l’autre. L’équipe de Sarbacane, récompensée cette année pour Béril en bataille d’Adèle Maury, pépite d’Or du salon, est, quant à elle, parvenue à mettre de côté, ne serait-ce que temporairement, les tensions économiques rencontrées par le secteur. « Nous sommes très heureux de cette pépite d’or, c’est formidable pour une toute jeune autrice de BD avec un univers bien à elle ! Par ailleurs, le salon a connu la foule des grands jours ce week-end. Dans un contexte plutôt morose, ça redonne la pêche ! », a confié Frédéric Lavabre, réjoui d’avoir réalisé, dimanche, un chiffre d’affaires supérieur de 1 000 euros à celui de l’an dernier, là où les précédents salons d’automne étaient restés en-deçà des espérances.
Mais tout n’est pas rose, là non plus, pour le fondateur de Sarbacane. « Ce salon est formidable, et la pépite d’or représente un moment exceptionnel dans la carrière d’un auteur, mais l’événement bénéficie toujours de peu de relais presse. Pourtant, la littérature jeunesse forme les lecteurs de demain… », souligne-t-il.
Les équipes du salon ont néanmoins tenté de donner une nouvelle dimension à la manifestation afin d’obtenir une plus grande visibilité. Souhaitant en faire « le rendez-vous des cinq continents », le SLPJ a accueilli de nombreux éditeurs étrangers, francophones ou non : une délégation d’une vingtaine d’éditeurs africains, un stand collectif pour l’édition suisse, ou encore six artistes sud-coréens venus célébrer les 140 ans de relations diplomatiques entre la France et la Corée du Sud.
« L’adaptation peut devenir un vecteur de retour vers la lecture »
Parallèlement, le 6e fellowship organisé par France Livre a réuni des éditeurs francophones venus du monde entier, dans l’optique de nouer des partenariats durables avec le marché français. Il faut dire que l’édition jeunesse tricolore jouit d’une solide notoriété à l’international : en 2024, quelque 2 619 titres jeunesse ont été cédés à des éditeurs étrangers, soit 23,8 % du total des cessions du secteur et 1 915 titres ont été cédés en coédition, soit près de 83 % du volume total des coéditions, d’après le bilan chiffré 2024 du Syndicat national de l’édition (SNE).
Dans les allées du SLPJ- Photo OLIVIER DIONPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Côté adaptations cinématographiques et audiovisuelles, le rendez-vous Shoot the Book ! a désormais trouvé sa place dans la programmation du salon. Jeudi 27 novembre, après la traditionnelle séance de pitch devant un jury de professionnels, 72 marques éditoriales ont été représentées auprès de 66 producteurs, pour un total de 290 rendez-vous en BtoB. « Nous sommes très heureux de renouveler notre partenariat avec le salon pour la quatrième année. Shoot the Book ! est désormais un rendez-vous inscrit à l’agenda des producteurs », a souligné Valérie Barthez, présidente de la Scelf. « L’adaptation peut devenir un vecteur de retour vers la lecture », a-t-elle ajouté, s’appuyant sur une étude menée avec le CNL.
Laquelle dévoile que 74 % des jeunes de moins de 20 ans ayant vu un film adapté d’une œuvre littéraire souhaitent ensuite lire le livre, et que 30 % des titres adaptés dans le genre « Famille et animations » sont tirés d’œuvres littéraires. Preuve que, en dépit d’un contexte morose et de moyens individuels plus restreints, la littérature jeunesse française est encore pleine de ressources. Capable de séduire, de s’exporter, d’inspirer, elle continue surtout à rassembler et à nourrir les lecteurs de demain.

