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Rencontre avec Xavier Dorison, scénariste des « Gorilles du général »

Xavier Dorison est scénariste de bande dessinée depuis près de 30 ans - Photo Zazzo

Rencontre avec Xavier Dorison, scénariste des « Gorilles du général »

Auteur prolifique de bande dessinée dont les ventes se chiffrent en millions d’exemplaires, le scénariste Xavier Dorison publie le 28 mai chez Casterman le premier tome de la série Les Gorilles du général, illustrée par Julien Telo, qui retrace le parcours des gardes du corps de Charles de Gaulle pendant ses années à la présidence de la République. Livres Hebdo l’a rencontré.

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Par Charles Knappek
Créé le 27.05.2025 à 19h30

C’est derrière son ordinateur que nous attend Xavier Dorison quand nous le rencontrons un matin de mai dans un célèbre café parisien du quartier de l’Odéon. Le scénariste multiprimé, coauteur des séries à succès Le Troisième Testament, Undertaker, W.E.S.T, ou encore Sanctuaire planche sur un nouveau projet. Mais nous n’en saurons pas plus : nous sommes là pour parler de son nouveau « bébé », Les Gorilles du général - Septembre 59 (illustré par Julien Telo), qui paraît ce 28 mai chez Casterman.

Extrait des Gorilles du général de Xavier Dorison et Julien Telo (Casterman)
Extrait des "Gorilles du général" de Xavier Dorison et Julien Telo (Casterman)- Photo CASTERMAN

Cet album en très grand format (35x26 cm), est le premier opus d’une série consacrée aux quatre hommes qui assurèrent la protection rapprochée du général de Gaulle après son accession à la présidence de la République. Une petite histoire dans la grande comme Xavier Dorison les affectionne, ou comment quatre porte-flingues aux mines patibulaires en viennent à apprendre « sur le tas » les bases de leur fonction très particulière. Et c’est tout le sel du récit, les Gorilles se rendront vite compte que protéger « Le Grand Charles », qu’ils surnomment affectueusement « Pépère », est loin d’être une sinécure !

« Témoins privilégiés de la grande histoire »

Servi par le dessin réaliste de Julien Telo et un scénario riche en rebondissements, Les Gorilles du général propose une immersion à hauteur d’homme dans une France déboussolée par la Guerre d’Algérie. D’abord ambigu sur ses intentions – ses propres gardes du corps en sont déconcertés –, le général De Gaulle mettra du temps avant de définir le cap qui mènera à l’indépendance de la colonie en 1962. Il survivra à nombreuses tentatives d’assassinat de l’OAS.

Comment l’idée des « Gorilles » est-elle née ? « Je suis tombé un jour sur le documentaire De Gaulle et ses gorilles, produit par Tony Comiti qui n’est autre que le fils de l’un des quatre gorilles, Paul Comiti, dévoile Xavier Dorison. Tout était là, l’histoire d’amitié extraordinaire de ces hommes réunis par leur amour pour le général et comment ils ont pu, pendant 10 ans, être les témoins privilégiés de la grande histoire. C’est exactement le genre de coup de foudre narratif que je recherche. »

Entre vérité historique et fiction

Comme pour ses œuvres précédentes, le scénariste s’est appliqué la règle de ne travailler « que sur un album à la fois ». « Dans mon métier, l’un des principaux risques est la dispersion », précise cet auteur au demeurant extrêmement prolifique et qui consacre en plus une large part de son temps à la documentation. « J’écris entre 150 et 200 planches par an. Chaque matin apporte sa pierre à l’édifice et j’avance sur mon histoire en cours ».

En habitué de la BD historique – citons parmi ses œuvres récentes le diptyque 1629, ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta (Glénat, dessin de Thimothée Montaigne) ou l’album Comment faire fortune en juin 40 (Casterman, dessin de Laurent Astier, coécrit avec Fabien Nury) –, Xavier Dorison s’est nourri de faits réels pour bâtir son récit… sans pour autant prétendre à la vérité historique : il s’en explique dans la postface de l’album, suivie d’un dossier illustré d’une dizaine de pages où les amateurs d’histoire prendront plaisir à démêler la réalité de la fiction.

Un auteur populaire

Comme souvent avec Xavier Dorison, les « Gorilles » devraient trouver leur public. Depuis près de 30 ans, le scénariste s’est forgé une réputation d’auteur populaire, cumulant les productions à succès. Il a eu la « chance » de bien vendre dès son premier album inaugurant la série Le troisième testament, illustrée par Alex Alice (1997, Glénat). Ce qui lui a permis, au tournant des années 2000, de lâcher son emploi dans la finance pour se consacrer à l’écriture. « Ce qui m’est arrivé est un mélange de hasard et de sueur mais aussi de rencontres », confie-t-il modestement. « Si je n’avais pas croisé la route d’Alex Alice par exemple, rien ne se serait passé. »

Il a depuis tracé sa route, collaborant avec les plus grands dessinateurs français : Mathieu Laufray pour Prophet (Les Humanoïdes Associés) et Long John Silver (Dargaud), Christophe Bec pour Sanctuaire (Les Humanoïdes Associés), Christian Rossi pour W.E.S.T. (Dargaud), Denis Bajram pour Goldorak (Kana) ou encore Ralph Meyer pour Undertaker (Dargaud). Sans oublier la nouvelle génération incarnée par un Félix Delep avec Le château des animaux (Casterman).

« Un déséquilibre entre les œuvres mises en avant à Angoulême et les attentes du public »

Dans un marché de la BD marqué par une explosion de la production et qui n’a plus rien à voir avec celui de ses débuts (plus de 6 000 nouveautés par an, contre moins de 1 000 à la fin des années 1990), Xavier Dorison compte parmi les rares scénaristes dont les ventes cumulées se chiffrent en millions d’exemplaires. Une reconnaissance avant tout commerciale : « Aucun des dessinateurs avec lesquels j’ai travaillé, alors qu’ils comptent parmi les meilleurs du monde, n’a jamais été primé à Angoulême. Ce n’est pas normal », regrette le scénariste des Gorilles.

Xavier Dorison n’a pas signé la pétition de 400 auteurs menaçant de boycotter l’édition 2026 du FIBD, même s’il « aurai(t) pu le faire ». Les polémiques à répétition autour du festival dirigé par Franck Bondoux ? « L’affaire de la justice », se borne-t-il à répondre. En revanche il se montre volontiers critique de la programmation du festival, pointant le « déséquilibre entre les œuvres mises en avant à Angoulême et les attentes du public. » « La plupart des visiteurs viennent pour la BD franco-belge alors que l’essentiel de la programmation privilégie une BD d’avant-garde, déconstruite ou élitiste, appelons-là comme vous voulez », poursuit-il.

Fin d’année chargée

Pas de quoi faire ralentir cet acharné de travail dont la fin de l’année s’annonce chargée avec la parution en septembre chez Dargaud du tome 8 de la série Undertaker, cosignée avec l’illustrateur Ralph Meyer. Novembre marquera aussi la fin du cycle en quatre volumes Le château des animaux (Casterman), illustré par Félix Delep. Xavier Dorison a écrit il y a deux ans la dernière page de cette série à succès (plus de 350 000 exemplaires de ventes cumulées pour les trois premiers tomes) inspirée de La Ferme des animaux de George Orwell. À noter également la réédition chez Delcourt de la série Les Sentinelles (illustrée par Enrique Breccia) à l’occasion de son adaptation en série télévisée par Canal+.

Mais si l’automne s’annonce dense, l’année prochaine sera plus calme. « Je ne sortirai qu’un album en 2026. Ce sera un portrait en 160 pages de Pierre Cauchon, l’évêque qui a fait condamner Jeanne d’Arc au bûcher. » Pour ce nouveau sujet historique d’envergure, illustré par Joël Parnotte et à paraître chez Glénat, le scénariste s’est offert les conseils de l’historien David Glomot.

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