Quoi qu'en dise Bernard Pivot, qui faisait mine de regretter dans une récente tribune du JDD que le Goncourt soit devenu trop "vertueux" pour susciter de l'excitation, la semaine qui vient de s'écouler aura considérablement fait monter la température dans toutes les maisons d'édition qui avaient des livres sur les dernières sélections des prix.
Mais comme souvent, c'est le Renaudot qui a créé la surprise en distinguant Notre-Dame du Nil, l'ouvrage d'une romancière d'origine rwandaise paru discrètement au printemps, attirant l'attention sur un texte poignant.
Vertueux ou non, les prix littéraires gardent toujours leur pouvoir d'attraction sur le public, même en période de basses eaux comme c'est le cas actuellement. Editeurs et libraires ont plus que jamais besoin de cette manne apportée par les prix. Pour un éditeur de taille moyenne, un "bon" Goncourt peut apporter un quart, voire un tiers de chiffre d'affaires supplémentaire. Comme nous le montrons dans ce numéro, au cours des sept dernières années, le prix Goncourt s'est vendu en moyenne à 400 000 exemplaires, le Renaudot à 255 000, et le Femina à 170 000.
Cela explique l'ambiance festive des réceptions dans les maisons d'édition primées. Pour les heureuses élues, les prix littéraires, c'est un peu Noël avant Noël. Au point que quelques lauréates, oubliant le protocole, ont communiqué leur bonne fortune avant la proclamation officielle.
Pour les libraires, c'est l'assurance d'écouler leurs stocks de bolduc. Beaucoup le constatent avec perplexité : ils n'ont jamais fait autant de paquets cadeaux que cette année. Tout au long de l'année, ils emballent à tour de bras. Même des poches. Le livre est plus que jamais un cadeau pas cher à forte valeur symbolique. Et c'est encore plus vrai lorsqu'il est auréolé d'un prix littéraire et entouré d'un bandeau rouge qui le proclame.