Elle est la dernière née. En 2021, des éditrices et éditeurs indépendants ont mutualisé leurs efforts pour créer la Fédération nationale des éditions indépendantes (FedEI). Plusieurs combats l'animent : peser auprès des pouvoirs publics pour défendre l'édition indépendante, favoriser les échanges interprofessionnels, militer pour un tarif postal dédié au livre ou encore établir une charte de bonnes pratiques. Elle souhaite également donner de la visibilité aux indés en mettant notamment à disposition un kit visuel avec des bannières ou autres logos indiquant : « Ici, une maison d'édition indépendante vous accueille ! » Et une commission travaille actuellement à la création d'un label dédié, sur le modèle du dispositif Librairie indépendante de référence (LIR). Deux ans après sa création, l'association compte 330 maisons adhérentes. Et a posé son « acte fondateur » les 2 et 3 février derniers en organisant à Aix-en-Provence ses premières Assises nationales de l'édition indépendante. L'ambition affichée de ce rendez-vous : « faire entendre une autre voix », celle « d'un autre monde, certes fragile, mais qui existe », annonçait alors Dominique Tourte, président de la FedEI et fondateur d'Invenit.
Synergie régionale
Sans vouloir se substituer aux associations régionales, la Fédération entend bien les rassembler. D'ailleurs, impossible pour un indé d'adhérer à l'organisme sans être membre au préalable d'une association régionale. C'est en partie ce qui motive plusieurs maisons d'Île-de-France à monter leur propre structure. Celle-ci est en cours de création à l'heure où nous bouclons ces pages. « L'idée principale est de pouvoir adhérer à la Fédération et, tout simplement, nous réunir et défendre les intérêts des structures éditoriales indépendantes en Île-de-France », explique la fondatrice de Kilowatt Galia Tapiero. Surtout à l'heure où une telle structure manque cruellement aux indés de la région parisienne. Car, en région, ces associations proposent une large synergie. Formation, promotion, mutualisation des moyens logistiques et humains pour être présent sur des salons et foires du livre, échange de bonnes pratiques et partage d'expérience... Voilà l'éventail de ressources offertes par les associations d'éditeurs indépendants en région. « La nouvelle génération se forme davantage dans des masters dédiés mais parmi les indépendants de ma génération, nous sommes tous autodidactes, c'est aussi pour ça qu'on partage autant », estime Élise Bétremieux, fondatrice des Venterniers et qui a succédé en 2021 à Dominique Tourte au titre de présidente de l'Association des éditeurs des Hauts-de-France. « Nous sommes amis, nous allons dans les mêmes salons, nous menons des actions coordonnées lorsqu'on a un auteur en commun... », poursuit-elle.
L'esprit collectif
Cet esprit d'entraide et de défense de l'indépendance n'est pas nouveau. Il y a vingt ans déjà, cette volonté avait essaimé dans le paysage éditorial et abouti à la création de L'Autre livre. Présidée par Francis Combes, l'association a notamment piloté dès 2005 des États généraux de l'édition indépendante. Dans la foulée, elle a publié un livre blanc dressant un premier état des lieux de l'édition indépendante et formulé un certain nombre de propositions et de revendications, dont certaines restent toujours d'actualité. L'une des autres missions de L'Autre livre : apporter un maximum de visibilité aux indés en organisant chaque année L'Autre salon, qui met à l'honneur plus d'une centaine de maisons.
« On se reconnaît dans l'envie et le désir de faire ce métier avec nos tripes et nos convictions. Nous avons le sentiment d'être mus par les mêmes motivations », affirme Thomas Bout, fondateur de Rue de l'Échiquier. Si bien que plusieurs maisons se réunissent parfois en collectif en partageant des intérêts communs. Celle de la visibilité d'abord, avec le Collectif des éditeurs anonymes qui « une fois par trimestre organise un événement en librairie pour évoquer notre positionnement et nos nouveautés », explique l'éditeur. D'autres collectifs œuvrent aussi à rendre leurs pratiques professionnelles plus écologiques. C'est notamment le cas du Collectif des éditeurs écolo-compatibles, fondé en 2010 par sept maisons (La Plage, Rue de l'Échiquier, Terran, Pourpenser, Yves Michel, Plume de Carotte et La Salamandre). Ensemble, ils avaient formulé une charte d'engagement pour « réduire notre empreinte environnementale à partir du moment où nous publions des textes sur l'écologie », indique Thomas Bout. Pour l'éditeur, ces collectifs sont indispensables. « Il est complètement déterminant de ne pas se sentir isolé dans une pratique de métier exigeante et fatigante. Nous nous ressourçons les uns et les autres, c'est très important. » Et le slogan des Assises nationales de l'édition indépendante le résume parfaitement bien : « Isolés ? Non ! Seuls tous ensemble. »