« Mon texte n’est pas un traité académique », déclare le romancier Boualem Sansal en ouverture de Gouverner au nom d’Allah, court essai qui propose une synthèse sur l’islamisme, ses formes, ses origines et ses contradictions. Ce texte « n’a d’autre prétention que celle que peut avoir un écrivain, […] avec l’espoir d’atteindre une certaine vérité ». L’auteur du Serment des barbares s’y tient remarquablement et explique, de façon claire et concise, les enjeux de cette politique aux contours flous et souvent inquiétants que les «printemps arabes» ont portée au pouvoir. Comment l’islamisme s’articule-t-il aux différents courants de l’islam ? Quelles en sont les sources culturelles et historiques, quel a été son rôle dans la décolonisation du Maghreb et du Machrek, et comment se propage-t-il aujourd’hui ? Pourquoi peut-il devenir coercitif ou carrément violent ? Dans une veine incisive et pédagogique, l’auteur démêle la réalité des fantasmes propagés par le traitement médiatique des secousses politiques dans les pays musulmans au cours du dernier siècle. Il analyse la façon dont l’islamisme s’est nourri du nationalisme émancipateur durant la décolonisation, des difficultés des émigrants en Occident ou encore du conflit israélo-palestinien. Du rôle des intellectuels et de leurs éventuelles prises de position à la dimension fédératrice de l’islamisme dans la mondialisation, Boualem Sansal réalise l’exploit de désamorcer aussi bien les lieux communs que les provocations faciles, et de livrer un texte qui, sans juger à l’emporte-pièce, informe le néophyte et rappelle l’essentiel sans raccourci. Ouvert et rigoureux, cet essai permet une reprise du débat sur des bases claires, aussi bien dans les pays gouvernés « au nom d’Allah » que dans l’Occident intimidé. A mettre au plus vite entre toutes les mains.
Fanny Taillandier