8 janvier > roman France

Véritablement découvert avec Le club des incorrigibles optimistes (Albin Michel, 2009, repris au Livre de poche), qui lui a valu le prix Goncourt des lycéens, Jean-Michel Guenassia s’est révélé un conteur-né. Ce que l’on a pu vérifier dans le tout aussi réussi La vie rêvée d’Ernesto G. (Albin Michel, 2012, repris au Livre de poche) et que confirme le présent Trompe-la-mort, qui fait entendre une nouvelle musique.

Guenassia a cette fois choisi pour héros un certain Thomas Larch. Avant d’être un homme qui avoue s’être souvent trompé, Tommy a été le fils d’un Anglais, Gordon, et d’une Indienne, Fulvati. Enfant de l’amour, il a grandi à New Delhi avant de débarquer à Londres Heathrow en 1980 et de s’installer à Greenwich dans une maison en briques rouges.

Le choc fut pour le moins rude. "C’était moche, ça puait, c’était triste à mourir", raconte-t-il. A ses yeux, Londres était une ville sinistre. Dont les habitants n’étaient pas colorés comme ceux de Delhi, mais blanchâtres "comme des coquilles d’œufs" ou gris "comme les murs et les imperméables". Heureusement, il pouvait trouver un peu de réconfort dans le cricket, puis dans le tennis qu’il pratiquait avec Shadvi. La première fille embrassée à l’âge de 15 ans, qui restera une énigme, un mystère.

Une chanson peut faire basculer une existence. Pour Thomas, la chose eut lieu dans l’enceinte du stade de Wembley. Le soir de juin où on y célébrait les 70 ans de Nelson Mandela. Jamais il n’allait oublier Brothers in arms de Dire Straits. Ni avoir ce soir-là croisé son père avec une autre femme… Pas à pas, Jean-Michel Guenassia remonte le cours d’un temps. Et suit la trace d’un curieux personnage qui traverse une verrière et échappe à un incendie.

A 18 ans, Thomas a envie d’une vie utile. D’entrer dans l’armée de Sa Gracieuse Majesté, d’intégrer le prestigieux corps des Royal Marines. Quitte à manquer mourir, un jeudi de février 2004, dans un accident d’avion. Et à alors devenir "Trompe-la-mort"… Avec son aisance coutumière, l’auteur de Pour cent millions (Liana Levi, 1986, repris, au Livre de poche sous le titre Dernière donne), parle de la souffrance. Celle que l’on endure et celle que l’on choisit de taire. On ne quitte pas d’une semelle Thomas Larch. Un être torturé et droit qui pense qu’il a plusieurs fois eu de la chance, même s’il a la fâcheuse tendance à recevoir des coups.

Trente-quatre ans après en être parti, le revoilà qui reprend le chemin de l’Inde où il n’est pas au bout de ses surprises. A l’instar du lecteur, qui l’accompagne sans ciller jusqu’au bout d’une fresque moderne et enlevée.

Alexandre Fillon

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