Roman/France 20 août Stéphane Malandrin

Voici une bien plaisante idée : inventer un fils à Ludwig van Beethoven (1770-1827), lequel n'a pas fondé de famille mais accepté, en 1815, la tutelle de Karl, le fils de son frère défunt, source de tourments supplémentaires dans une fin de vie bien sombre. Et imaginer que celui-ci, le grand âge venu, écrirait son histoire et ses souvenirs. C'est un bâtard, né d'une relation avec Rosza, la jeune bonne rousse du comte Franz von Brunswick, un ami du compositeur que, par ailleurs, les sœurs de son hôte ne laissaient pas indifférent. Ce sont les Brunswick qui s'occuperont de la mère - surtout après qu'enceinte d'un deuxième enfant du maestro, une fille qui ne survivra guère, elle demeure infirme suite à une rupture d'anévrisme - et de son enfant, l'élevant dans leur château de Martonvasar, en  Hongrie. Ce pourquoi le garçon, né en 1807, bénéficiant, après un malaise cérébral, de la mémoire et de l'oreille absolue, mais d'aucun génie créatif « J'étais nul», confie-t-il , devenu pianiste de concert, sera surnommé, à son grand dam, le petit Mozart magyar (ou hongrois). 

Son père, en dépit de sa volonté, n'a pu le reconnaître, ni épouser Rosza. Au moment où il l'aurait souhaité, des guerres, des obligations financières, des invitations en résidence qui l'ont fait vivre durant toute son existence, des problèmes de carrière quand l'Italien Rossini est venu supplanter le maître allemand dans les faveurs du public versatile de Vienne, où il s'était établi, l'en ont empêché. Mais il avait écrit des lettres à sa petite amoureuse, que le fils, à sa mort, a récupérées, bouleversé, ainsi que 7 000 florins en or et une liasse de partitions dont celle de son Faust.

Bien des années après, solitaire dans son château avec pour seul compagnon un valet, qu'il surnomme Sganarelle et qui a connu un destin pas moins romanesque que le sien, il écrit ses mémoires, pour obéir à de mystérieuses voix qui les lui dictent. Il remonte à ses origines : comment son aïeul Dimitri Zadouroff, roux et barbu, a quitté son pays pour échapper à la Police des Poils instituée par le tsar Pierre le Grand, et, sur le chemin de l'Italie, s'est installé en Hongrie où le Christ lui est apparu. C'est là qu'il a rencontré Zsuzsika, fondé une famille, celle de Rosza. Et c'est en sa mémoire que le garçon a été prénommé Italo.

Au fil des pages, gorgées d'incises, de digressions, d'interludes bizarres, Italo Zadouroff, fils de Beethoven, se révèle une âme torturée, autant que celle de son illustre père. Volontiers paranoïaque, il imagine que Sganarelle veut détruire son manuscrit, ou bien il le retrouve sous les traits de Fausto da Silva, un businessman américain fiancé avec Anasztasia Horvath, fille d'un riche opticien inculte chez qui il a séjourné un temps. Tout cela est embrouillé à souhait. Il faut se laisser porter par le texte de Malandrin. Il reprend à un moment à son compte cette maxime japonaise : « Isogabe maware . Si tu es pressé, fais un détour ». Elle s'applique parfaitement à son roman.

Stéphane Malandrin
Je suis le fils de Beethoven
Seuil
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 19,50 euros ; 304 p.
ISBN: 9782021463477

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