Les cent derniers jours (Grasset, 2013, repris au Livre de poche), le formidable premier roman de Patrick McGuinness, offrait un voyage mémorable en Roumanie au moment de la chute du régime de Ceaucescu. L’écrivain, qui enseigne la littérature comparée à l’université d’Oxford, nous entraîne cette fois jusqu’en Wallonie. Dans les Ardennes et plus précisément dans la ville frontalière où se retrouvaient naguère Rimbaud et Verlaine. A Bouillon, dont le plus célèbre fils reste Léon Degrelle, leader nazi belge, fondateur du mouvement rexiste et chef d’un bataillon collaborationniste.
Vide-grenier remonte le temps et fait le récit d’une "enfance naufragée". Celle du jeune Patrick dont les parents voyagent léger mais souvent. Il n’a jamais oublié Collette, sa tante suicidaire et diabétique. Et encore moins sa grand-mère Lucie, lectrice de La Meuse, le quotidien régional wallon, inlassable couturière qui "pédalait des kilomètres de points". Son mari, le silencieux Eugène, lui, avait été esquinté par des années d’usine. Ancien "footballeur efficace", il excellait au "couillon", jeu de cartes wallon, et croyait "en son travail et en sa maladie, en sa place dans le monde".
Conteur subtil, Patrick McGuinness procède par petites touches pour faire revivre bistrots et garages qui n’existent plus, les "choses et les riens" qui l’ont fait. Le mémorialiste s’intéresse aux lieux, aux traces, aux photos. A ce qui le rattache à un monde aujourd’hui disparu ou presque. En route, il raconte bon nombre d’anecdotes savoureuses, explique aux néophytes ce qu’est la "trempinette", la "madeleine de Proust, édition wallonne", et donne même la recette des "canados aux rousses". Plat au lard gras à arroser d’une giclée de bière et d’une pincée de chicorée pour obtenir la couleur rousse désirée ! Al. F.