C’est un rendez-vous désormais incontournable de l’agenda littéraire. Organisé par France Livre, anciennement le Bief, le Paris Book Market s’est tenu du 5 au 6 juin, rue Turenne et rue Froissart, dans le IIIe arrondissement de Paris. Cette année, 269 marques éditoriales françaises et francophones, dont l’ensemble des segments sont répartis sur 150 tables, ont enchaîné les échanges B2B avec plus de 260 acheteurs internationaux.
Une opportunité pour les éditeurs de langue française de tisser de nouveaux partenariats ou de consolider les liens déjà établis, et pour les professionnels étrangers de découvrir, parfois même en primeur des grandes foires, les nouveautés à venir.
« Le Paris Book Market a ce côté un peu décalé qui fait son identité. Les locaux qui accueillent l’événement sont situés non pas dans le quartier des éditeurs, mais dans celui de la mode, en plein cœur de Paris, ce qui plaît beaucoup aux professionnels étrangers. L’ambiance est à la fois détendue et professionnelle : le cocktail d’inauguration se déroule sur un rooftop branché, mais il faut néanmoins assurer des plannings de rendez-vous très chargés les deux jours qui suivent », relate Claire Mauguière, fondatrice et coordinatrice de ce marché parisien des droits.
Une « occasion de présenter la rentrée littéraire »
« C’est une formule tellement originale qu’on ne la retrouve pas ailleurs. Des maisons comme Gallimard, qui n’a pas encore présenté ses nouveautés à ses représentants, le font au Paris Book Market ! » complète Nicolas Roche, directeur de France Livre. « C’est vraiment devenu une occasion de présenter la rentrée littéraire », confirme Geneviève Lebrun-Taugourdeau, responsable des cessions de droits au Mercure de France, profitant de l’occasion pour défendre le premier roman d’Alice Botelho, Folie entre mes doigts, et porter la nouvelle création d’Anne Serre, Goncourt de la nouvelle pour Au cœur d’un été tout en or (2020).
« Le calendrier est idéal, d’autant que de plus en plus de professionnels sont mécontents de Londres, qu’ils trouvent de plus en plus cher », fait savoir Déborah Druba, agente pour les éditions du Faubourg. « Le Paris Book Market est désormais aussi important que Francfort ; c’est un moment-clé où tout notre catalogue de fiction est prêt à être présenté, là où en avril, à Londres, ce n’était pas encore le cas », surenchérit Clara Didier, chargée de droits pour Flammarion, se réjouissant de la venue croissante de professionnels asiatiques au fil des éditions.

Cette année, la maison met en avant le grand retour de ses têtes d’affiche, telles que Victor Jestin (La mauvaise joueuse) et Olivier Adam (Et toute la vie devant nous), et annonce l’arrivée au catalogue de Cloé Korman (Mettre au monde). De la même façon, les éditions Actes Sud font la part belle à Valentine Goby (Le palmier), Julliard promeut le nouvel opus de Rachid Benzine, tandis que Stock mise sur le multiprimé Cédric Sapin-Defour (Où les étoiles tombent) ainsi que sur Maria Pourchet (Tressaillir).
Une vitrine anticipée pour la rentrée littéraire
Moment privilégié pour la prospection, le Paris Book Market offre ainsi aux éditeurs internationaux l’opportunité de repérer les ouvrages francophones de demain et d’en deviner les futurs grands prix. Mais les bonnes surprises ne sont jamais à exclure et il peut tout à fait arriver qu’un professionnel mise d’emblée sur un titre, raflant l’exclusivité avant la grande messe d’octobre. « Ça nous est arrivé l’année dernière auprès d’un éditeur allemand complètement séduit par le premier roman de Cécile Tlili, Un simple dîner. D’ailleurs, il s’est d’ores et déjà positionné sur le deuxième titre de l’autrice », sourit Patricia Roussel, responsable de droits chez Calmann-Lévy.
Si certains professionnels sont désormais rodés à l’exercice après quatre éditions, d’autres s’y essaient encore pour la première fois. Avec une quinzaine de rendez-vous répartis sur deux jours, les éditions Les Pérégrines — qui ont rejoint France Livre cette année pour ouvrir leur offre à l’international — se réjouissent de pouvoir échanger avec des interlocuteurs venus de Chine, de Pologne, d’Espagne ou encore des Pays-Bas. Réputée pour ses collections de non-fiction désormais bien installées, la maison en profite d’ailleurs pour introduire sa toute première œuvre de fiction depuis sa renaissance en 2021 : Et brûlent les enfances de Virginie Noar, à paraître en janvier 2026.
Cap sur de nouveaux horizons
Dans le cadre du Tour d’Europe organisé par l’association francilienne Fontaine O Livres, cinq maisons d’édition indépendantes découvrent, elles aussi, le marché des droits de la capitale française. Parmi elles, les éditions Scudery qui, dans la droite ligne de la foire de Bologne, continuent d’étoffer leurs carnets d’adresse en rencontrant des mastodontes du secteur tels que Penguin Random House ou l’italien Mondadori.

« J’ai découvert qu’un tiers de notre catalogue est vendable à l’étranger, de l’Europe centrale au Brésil », fait quant à elle savoir Anne Lima, fondatrice de Chandeigne & Lima, spécialisée dans les récits de voyage et le monde lusophone depuis plus de 30 ans. De leur côté, les dirigeants de la maison Antilope, qui fêtera en 2026 sa première décennie, sont venus suppléer la présence de leur agent sur le marché, tandis que Forgotten Dreams s’enchante de la signature d’un contrat avec le même agent qui représente les Forges de Vulcain.
« Les éditeurs étrangers regardent d’abord la possibilité d’une acquisition en langue française »
Mais le Paris Book Market profite aussi aux éditeurs francophones, présents depuis l’édition 2024 en qualité de vendeurs de droits, grâce à la participation financière de leurs syndicats et instituts locaux. « Cette année, nous avons pu leur offrir davantage d’espace, ce qui a permis à plusieurs d’entre eux d’augmenter leur participation, à l’instar des Québécois et des Suisses. De nouveaux pays, comme la Tunisie, sont également désormais représentés », explique Claire Mauguière, ajoutant que la présence des professionnels constitue « un argument supplémentaire pour les éditeurs étrangers qui regardent moins le pays d’appartenance que la possibilité d’une acquisition en langue française ».
« Ici, on peut rencontrer des éditeurs mythiques », souligne Laurence Gudin de la maison suisse La Baconnière, ravie d’avoir échangé avec Barbara Epler, présidente de l’Américaine New directions Publishing, dont elle suit assidûment le travail. Basée à Genève, la Suissesse a depuis longtemps tourné le dos aux grandes foires internationales, où obtenir l’attention de grands groupes, comme de plus petites structures, devient de plus en plus ardu. Et elle n’est pas la seule. « Le Paris Book Market commence à supplanter Francfort. On y trouve des gens que l’on cherche à voir depuis années », corrobore Gérard Adam, patron de l’entité belge M.E.O Éditions, pour qui le salon allemand se résume désormais à pérenniser les contacts établis en amont.
Une soupape pour les éditeurs en difficultés
Pris dans d’autres contraintes, les éditeurs maghrébins voient quant à eux l’occasion de glaner de nouveaux marchés pour pallier leurs pertes de recettes. « Avec la crise politique, la dépression financière, mais aussi l’essor du piratage, le faible pouvoir d’achat et la censure des pays arabes, vendre un livre localement ne rapporte presque plus rien », explique Rana Hayeck, directrice éditoriale de Hachette Antoine, dont les déplacements aux dernières foires ont été compromis du fait de la situation libanaise, au carrefour de plusieurs conflits.

Depuis la fermeture de leurs locaux il y a six mois, sur décision du gouvernement algérien, les éditions Frantz Fanon traversent, elles aussi, une situation économique tendue. Mais dans l’épreuve, la maison a pu compter sur le soutien de ses homologues à travers le monde.
Une solidarité que Hachette Antoine et Franz Fanon retrouvent toutes deux dans « des événements comme le Paris Book Market, pendant lesquels on oublie un peu les difficultés du quotidien ».