Le modeste et discret Guillaume Musso ne sort de son bureau - pour rencontrer la presse -, que trois semaines par an, les années où il publie un roman, c'est-à-dire toutes depuis 2004, à l’exception de 2023. À la suite du confinement, il avait préféré s’occuper de ses deux enfants. Alors qu'il est en promotion de Quelqu'un d'autre, son sixième roman publié chez Calmann-Lévy, son éditeur depuis 2018 - ce qu’il appelle « être Guillaume Musso » - il parle volontiers de son parcours, de ces vingt ans ininterrompus de best-sellers, de sa façon de travailler, de ses projets ou encore de sa conception du roman.
Livres Hebdo : Votre éditeur célèbre vos vingt ans de succès depuis 2004. En réalité, vous avez publié votre premier roman avant cela ?
Guillaume Musso : Oui, c’était Skidamarink, en 2001. Je l’avais écrit en deux ans et demi, alors que j’étais encore étudiant, puis professeur. C’était un roman un peu en avance sur son temps, une espèce de Da Vinci Code avant l’heure. Je ne connaissais évidemment personne dans le milieu de l’édition. J’avais envoyé le manuscrit par la poste chez Anne Carrière, parce qu’elle était l’éditeur de Paolo Coelho. Et c’est son mari, Alain Carrière, qui m’a répondu, a accepté et publié l'ouvrage dans une collection de romans noirs. Le livre a été bien accueilli par la presse, et on en a vendu 3 000 exemplaires.
Qu’est-ce qui vous avait décidé à vous lancer dans l’écriture ?
À la base, je ne suis pas un littéraire, j’ai un bac C. Mais en seconde, une professeure de français avait organisé un concours de nouvelles, ça m’avait plu. Ensuite, j’ai été victime d’un grave accident de voiture en 1999. J’ai percuté un sanglier. Ce fut un choc brutal, physique et psychologique. Ça m’a fait réfléchir sur la fragilité de nos existences humaines. Moi qui avais éprouvé mon premier choc de lecteur avec Les Hauts de Hurlevent, je me suis mis à lire de la philo. Et puis, je me suis lancé dans un roman, Et après…, qui utiliserait le surnaturel pour raconter notre fragilité, mais sur un mode ludique, à la Stephen King. J’ai envoyé le texte à Caroline Lépée, chez XO, où il a été accepté. C’était sans doute le bon moment pour ce livre-là. Ce fut un gros succès. La première marche d’un rêve.
« J’ai eu du succès parce que je ne cherchais pas à en avoir »
Comment avez-vous réagi à ce succès ?
J’ai eu du succès parce que je ne cherchais pas à en avoir. Je m’étais dit : « Écris le roman que tu aimerais lire en tant que lecteur ». Pour moi, la lecture est une distraction au sens propre, un « divertissement » au sens pascalien du terme. Quelque chose qui nous projette ailleurs, nous éloigne de nos misères. Mes quatre premiers romans chez XO ont dépassé chacun les 500 000 exemplaires en grand format. Les poches sont en plus. À ce niveau-là, on agrège des gens très différents. C’est un phénomène fédérateur et joyeux, y compris à l’étranger, où je suis beaucoup allé accompagner mes livres. C’est en Corée du Sud, en Allemagne et en Italie, ainsi qu’en Europe de l’Est, que je vends le plus. En tout, j’en suis à 34 millions d’exemplaires, dont 27 millions en France. J’occupe la place dont je rêvais à quinze ans.
Et si ça n’avait pas marché, auriez-vous renoncé ?
Je ne crois pas.
Guillaume Musso en dates
1974 : naissance à Antibes.
1999-2003 : professeur de Sciences économiques et sociales au lycée de Phalsbourg, en Lorraine.
2001 : publication de son tout premier roman, Skidamarink chez Anne Carrière.
2003-2008 : professeur d’économie au Centre international de Valbonne, dans la Technopole Sophia-Antipolis.
2004 : son premier best-seller Et après… paraît chez XO.
2018 : l'auteur rejoint les éditions Calmann-Lévy.
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« J’ai une vingtaine d’embryons d’histoires, de graines plantées, de dossiers qui aboutiront ou non à des romans »
Avez-vous le sentiment d’écrire les mêmes livres qu’à vos débuts ?
Pas tout à fait. En 20 ans, j’ai eu trois « périodes », trois veines : le surnaturel, le thriller, le suspense psychologique. Cela tient sans doute à une évolution de mes goûts personnels, sans préméditation aucune.
Comment travaillez-vous ?
J’écris tous les jours, dans un bureau séparé de mon appartement, de 9 h à 19 heures, après avoir accompagné mes enfants à l’école. J’ai la maturation lente. Par exemple, l’idée du nouveau, Quelqu’un d’autre, remonte à 2016. Je me documente sur le terrain parce que j’aime ça. J’ai ainsi une vingtaine d’embryons d’histoires, de graines plantées, de dossiers, qui aboutiront ou non à des romans. C’est ce que Murakami appelle ses « petits tiroirs mentaux ». Ensuite, j’écris 80 pages pendant deux mois et demi, puis je fais le point si je poursuis ou non. Mon luxe, c’est de ne subir aucune pression, de pouvoir prendre le temps pour faire ce que j’aime le plus au monde, écrire.
Et le reste du temps ?
Après 19 heures, je m’occupe de mes fils de 6 et 11 ans. Ma hantise serait de ne pas les voir grandir. Mes frères, Valentin et Julien, et moi, avons reçu de nos parents - ma mère, directrice de bibliothèque, une littéraire et mon père, secrétaire général de la ville d’Antibes, un gestionnaire -, une éducation attentive, bienveillante. Ils sont les deux jambes qui m’ont permis de marcher. J’essaie de reproduire ce modèle avec mes enfants.
Guillaume Musso- Photo EMANUELE SCORCELLETTIPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
L’un de vos frères, Valentin, est également romancier. Quand vous vous voyez, vous parlez de vos livres ?
Non, plutôt de nos familles. Avec Julien aussi, qui est enseignant.
Vous considérez-vous comme un auteur populaire ?
Oui. J’ai zéro égo. Me voir à la télé ne me nourrit en rien. J’ai une trop haute conception du roman pour écrire des romans « à clés », ou des règlements de comptes. J’écris ce que j’ai envie, et je suis heureux que le grand public me suive depuis toutes ces années.
N’avez-vous pas envie d’explorer un jour d’autres genres que le roman ?
Si, je songe parfois à un essai sur comment se crée le roman, un peu à la façon de L’art du suspense de Patricia Highsmith. Et pour l’instant, je travaille à une pièce de théâtre. J’ai déjà commencé, sans savoir quand je finirai, si et quand elle sera jouée…
Musso dramaturge, cela ne risque-t-il pas de déstabiliser votre public ?
Il ne faut pas y penser, sinon on n’écrirait plus.
Et votre prochain roman ?
Ce sera un murder mystery à la Agatha Christie. Un Cluedo avec le Colonel Moutarde dans la bibliothèque ! J’ai cette idée en tête depuis des années, mais je viens de trouver l’idée. Je vais m’y mettre juste après la promotion de Quelqu’un d’autre, qui dure trois semaines. Je suis très peu Guillaume Musso !
Ce qui veut dire qu’il y aura un nouveau Guillaume Musso en 2025 ?
Peut-être.
Guillaume Musso, Quelqu’un d’autre (Calmann-Lévy), 350 pages, 22,90 euros, en vente le 5 mars
Présentation "Quelqu'un d'autre" (Calmann-Lévy)
Quelqu'un d'autre est un roman à suspense très contemporain, au rythme enlevé, où tout repose sur la psychologie des personnages et la fiabilité de leurs témoignages. Une riche éditrice italienne, Oriana Di Pietro, est retrouvée agressée sur son yacht au large de la Côte d'Azur. Elle meurt à l'hôpital sans avoir repris conscience. Comme toujours dans ces cas-là, les investigations de la police vont se porter sur les proches de la victime. Mais la commandante Justine Taillandier va vite se rendre compte que les versions des uns et des autres divergent. Elle-même a des problèmes dans sa vie personnelle. Tout s'entremêle, jusqu'au dénouement, franchement inattendu.
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