Auteur à succès de thrillers politico-financiers dans les années 1980-1990, Paul-Loup Sulitzer, décédé jeudi à l'âge de 78 ans, était un redoutable homme d'affaires jusqu'à ce que des revers de fortune le ruinent.
Prolifique, il a signé une quarantaine d'ouvrages, surtout des fictions ressemblant à des « westerns financiers », vendues à 60 millions d'exemplaires, certaines dans le monde entier. Plusieurs ont été adaptées en BD à succès.
Mais jusqu'à quel point en était-il vraiment l'auteur ? Car son nom était depuis longtemps associé à la mise en place d'un efficace « système » – dénoncé dès 1987 par l'écrivain et critique Pierre Assouline et le journaliste Bernard Pivot – consistant à construire et rédiger ses ouvrages avec l’aide de collaborateurs et à soigner tout particulièrement marketing et publicité.
« Metteur en livre » plutôt qu’« auteur »
Il avait été obligé d'admettre ces accusations, se qualifiant finalement de « metteur en livre » plus que d'« auteur ».
Né le 22 juillet 1946 à Boulogne (Hauts-de-Seine), Paul-Loup Sulitzer démarre sa vie active en étant créateur-importateur de porte-clés. Il n'a pas 20 ans et le voilà dans le livre Guinness des records en qualité de « plus jeune PDG de France ». Ambitieux et inventif, il amasse déjà beaucoup d'argent.
On le retrouve plus tard consultant international, expert en matière d'implantation d'entreprises aux États-Unis, gérant de sociétés, chargé (en 1995) d'une mission par le gouvernement pour mieux exporter les produits culturels français, homme de médias avec le mensuel Savoir s'enrichir (2003)…
Il multiplie les best-sellers aux titres explicites comme Money (1980), Cash (1981), Fortune (1982) aux éditions Denoël puis Le Roi vert (1983), Duel à Dallas (1984) ou Cartel (1990) aux Éditions 1. Il enchaîne avec des essais ou documents comme Le Régime Sulitzer (Michel Lafon, 1993) ou Laissez-nous réussir (Stock-Michel Lafon, 1994).
Dans ces années fastes, il habite un palais italien de 450 m2 dans le huppé VIIe arrondissement de Paris, possède une villa à Saint-Tropez et un ranch en Arizona, des tableaux de maître, une Ferrari à un million d'euros et la même Aston-Martin que celle de James Bond, selon ses confidences à L'Obs en 2018.
Revers de fortune
Mais la chance tourne : victime en 2004 d'un AVC qui l'amoindrit fortement, il vit aussi un divorce compliqué, assorti d'une interminable bataille judiciaire autour de sa fortune, avec sa troisième épouse Delphine Jacobson, fille d'un proche de l'escroc américain Bernard Madoff.
« Je suis dans le classement des divorces français les plus chers », soulignait-il en 2018, assurant avoir perdu 20 millions d'euros dans l'affaire.
Mis en cause dans la tentaculaire affaire de l'Angolagate (une vente d'armes à l'Angola dans les années 1990), il est condamné en 2009 à 15 mois de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende pour recel d'abus de biens sociaux. Si, en 2011, la cour d'appel de Paris contredit ce jugement, estimant qu'il n'y a finalement pas eu trafic d'armes, le mal est fait.
« J'ai été dix ans sous contrôle judiciaire, on m'a pris mon passeport. Ma carrière de conseiller financier international a été décrédibilisée et j'ai fait deux comas », a-t-il déclaré en 2011, passant, selon lui, du « statut de multimilliardaire flamboyant à celui de ruiné ».
Il continue à publier, sans guère de succès : L'Escroc du siècle (Éditions 1, 2009, un roman inspiré par l'affaire Madoff) ou une autobiographie, Monstre sacré (Rocher, 2013).
Père de quatre enfants nés de plusieurs unions, il a été officier de l'Ordre national du mérite mais, après l'Angolate, en a été exclu. Il s'était fait discret ces dernières années, vivant en Belgique, à Nice puis à l'île Maurice, où il est décédé des suites d'un AVC.