Un peu moins d'un an après sa nomination à la tête de Hachette Book Group, aux États-Unis, alors qu'il était déjà P-DG de Hachette UK, David Shelley s'est confié lors de la Foire de Francfort. Reçu sur la scène du Frankfurt Studio par Porter Anderson de Publishing Pespective, le capitaine d'édition britannique est beaucoup revenu sur sa nouvelle « danse transatlantique » qui le fait travailler en même temps à New-York et à Londres.
« Le plus difficile dans mon nouveau double poste : apprendre à se mettre en retrait », a-t-il confié. « J'ai des idées très tranchées sur ce qu'est la couverture idéale pour un livre ou un marché. J'ai des idées très tranchées sur le marketing. Et le plus difficile dans un rôle comme celui-ci est probablement de ne pas interférer », a déclaré celui qui a été éditeur de longues années, ajoutant : « À mon poste, on ne peut pas vraiment être perfectionniste, on ne peut pas vouloir que tout soit fait parfaitement tout de suite, car ce n'est pas humainement réalisable ».
D'une industrie du livre à une « industrie des grands auteurs »
L'édition est passée d'une grande industrie du livre à une « industrie des grands auteurs », les lecteurs achetant des titres nouveaux et anciens pour soutenir leurs auteurs préférés et les éditeurs repoussant de plus en plus les autres titres, a ensuite estimé le britannique. « Tout tourne de plus en plus autour des auteurs, et pas seulement autour d'un seul livre. Les lecteurs veulent de plus en plus lire tout ce que cet auteur a écrit », a estimé le P-DG, citant l'exemple de l'autrice américaine Elin Hilderbrand, dont le roman The Perfect Couple a été adapté en série sur Netlflix avec Nicole Kidman.
La série a non seulement stimulé les ventes du roman de l'autrice, mais aussi celles de ses titres précédents. « En tant qu'éditeurs, je pense qu'il faut travailler plus dur non seulement pour vendre une seule chose, mais aussi pour informer les lecteurs de tous les livres de cet auteur qu'ils n'ont peut-être pas lu », a lancé le P-DG, soulignant aussi l'importance de « bien servir tous les auteurs ». David Shelley, sur son travail d'éditeur, s'est décrit comme « une personne n'aimant pas instinctivement prendre des risques », avec une stratégie pour ses deux maisons se résumant à « avoir une entreprise qui ne dépend pas excessivement des succès ».
Il a ajouté : « Je déteste plus que tout l’idée de perdre. L’idée est donc toujours de structurer une entreprise de manière à ne pas dépendre des succès. Les gros cartons éditoriaux doivent être des cerises sur le gâteau ».
Des acquisitions savamment calculées
Une approche mesurée en matière éditoriale qui se retrouve aussi dans la stratégie du dirigeant en matière de croissance. Cette dernière doit être à la fois organique et par acquisition. Et lors d'une acquisition, l'entreprise rachetée doit obligatoirement cocher deux cases pour David Shelley. « Je me demande systématiquement : qu'est-ce que va apporter cette compagnie à Hachette, et comment Hachette peut lui ajouter de la valeur. Si elle ne coche pas clairement ces deux cases, alors ce n'est pas une bonne acquisition, et on l'oublie », a tranché celui qui passe en général cinq semaines aux États-Unis puis une semaine à Londres.
Le rachat de l'éditeur numérique Bookouture par Hachette UK est un exemple d’acquisition dont le P-DG s'est dit « vraiment ravi et fière », les équipes ayant depuis « énormément appris » sur le marketing et l’édition numérique, tout en ayant gagné de nouvelles capacités d’impression et de distribution. David Shelley a également cité Summersdale, Welbeck Publishing Group et Laurence King Publishing comme exemples d’acquisitions réussies par Hachette.