Aujourd’hui, il existe des coachs pour absolument tout : le coach sportif pour révéler le potentiel d’un corps en jachère, le coach en nutrition pour apprendre qu’un légume est étonnamment meilleur qu’un burger frites, le coach en rangement pour comprendre que notre placard reflète en réalité notre chaos intérieur, et le coach en confiance en soi qui est en plein doute pour mieux nous apprendre la vie. Et pour les auteurs en mal de publication ou d’imagination, il y a le coach en écriture.
Le contrat de coaching en écritures : une collaboration contestée
Dans cette affaire portée devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 16 septembre 2025 [RG 22/04945], un auteur local avait signé en 2016, avec une société et son gérant, un « contrat de coaching en écritures » à durée indéterminée, visant notamment la co-écriture de textes. Ce travail portait sur deux projets d'ouvrages : l'un concernant l'odonymie des rues d'Aix-en-Provence, et l'autre, une biographie d’un historien local.
Suite à la résiliation du contrat en octobre 2017, le coach en écriture avait assigné l’auteur local en justice en 2020. Il souhaitait obtenir la reconnaissance de son rôle de coach en écriture comme co-auteur des deux ouvrages et une indemnisation pour le préjudice résultant de la reproduction partielle illicite de textes co-écrits sans son accord.
Une assignation trop imprécise
En première instance, par ordonnance du 28 mars 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille avait prononcé l'annulation des assignations délivrées. Le juge avait estimé que les prétentions du coach en écriture au titre des droits d'auteur n'étaient pas suffisamment étayées en fait pour permettre au défendeur d'assurer une défense utile et au tribunal de statuer sur la contrefaçon. L'identification des textes qui seraient la production du coach en écriture et dont la reproduction constituerait une atteinte à ses droits de co-auteur était jugée impossible à la lecture de l'assignation initiale et des conclusions subséquentes.
L’insuffisance de la caractérisation de l’originalité et des reprises fautives
En appel, la Cour a rappelé que, conformément à l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation doit contenir, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit. En matière de propriété littéraire et artistique, les dispositions processuelles (articles 54 et 56 du CPC) imposent une obligation de précision accrue. L'œuvre revendiquée et celle contestée doivent être nettement identifiées, et les éléments permettant d'accéder à la protection par droit d'auteur doivent être explicités dès l'assignation. L'absence de caractérisation des efforts créatifs et personnels de l'auteur rend l'assignation insuffisante, empêchant le défendeur de présenter une défense utile sur l'originalité et les atteintes imputées.
Le demandeur en contrefaçon aurait donc dû indiquer clairement et précisément les éléments sur lesquels les droits d'auteur étaient revendiqués et ceux qui étaient considérés comme reproduits illicitement. Bien que la nullité puisse être couverte par la régularisation ultérieure de l'acte, à condition qu'aucun grief ne subsiste pour la partie adverse, l’auteur local soutenait que le défaut d'identification de l'objet de la demande lui causait un grief manifeste, l’empêchant d'assurer correctement sa défense.
Identifier précisément les textes dont le coach en écritures assurait être l'auteur
Dans cette espèce, la Cour a constaté que ni l'assignation initiale, ni les conclusions ultérieures de l’appelant ne permettaient de satisfaire à ces exigences fondamentales. D'une part, l'assignation portait sur la totalité de deux ouvrages qui n'étaient même pas encore publiés à la date de l'acte introductif d'instance (octobre 2020), alors même qu'il était précisé que le coach en écriture n'avait collaboré qu'à certains textes. Ce dernier fondait ses prétentions sur le contrat de coaching et des procès-verbaux de constat d'huissier, mais la lecture de ces derniers révélait une compilation de textes sans qu'il soit possible d'identifier précisément ni les textes dont le coach en écriture assurait être l'auteur, ni les textes publiés par l’auteur local qui en seraient l'exacte reprise.
D'autre part, s'agissant d'œuvres de collaboration, le coach en écriture aurait dû caractériser les éléments qui manifestaient l'originalité de l'œuvre et l'empreinte de la personnalité de l'auteur. La production en appel d'un tableau récapitulatif alléguant des concordances entre les déclarations SACEM, les constats et l'ouvrage publié par l’auteur local ne remédiait pas au défaut initial. Ce tableau ne spécifiait pas les écrits effectivement rédigés par le coach en écritures présentant une originalité, ni ceux repris par l’auteur local. Le seul fait que l'ouvrage porte sur l'odonymie des rues d'Aix-en-Provence ne suffisait pas, en soi, à caractériser l'originalité revendiquée. De plus, le coach en écriture affirmait une paternité exclusive sur certains textes tout en invoquant par ailleurs une œuvre de collaboration, ce qui introduisait une contradiction dans ses prétentions.
Caractériser les éléments originaux de l'œuvre
En conséquence, la Cour d'appel a jugé que le coach en écriture avait procédé uniquement par affirmations et compilations, sans définir le périmètre de l'action revendiquée ni caractériser les éléments originaux de l'œuvre. L'indétermination de l'objet de la demande empêchant l’auteur local d'assurer et d'organiser sa défense, la Cour a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait prononcé la nullité de l'assignation au regard de l'article 56 du code de procédure civile. Moralité : le coach en écriture aurait peut-être dû s’adjoindre les services d’un coach en procédure !