Avant-critique Essai

bell hooks, "Communion. Aimer en féministes" (Armand Colin) : Un combat dans l'amour

Bell Hooks - Photo © Bell Hooks institute

bell hooks, "Communion. Aimer en féministes" (Armand Colin) : Un combat dans l'amour

Cet essai sur l'amour signé bell hooks paraît en France vingt ans après sa sortie aux États-Unis. L'autrice y replace la nécessité d'aimer au cœur de la pensée féministe.

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Par Marie Fouquet
Créé le 21.11.2022 à 14h00 ,
Mis à jour le 29.11.2022 à 09h50

L'amour est au cœur des réflexions politiques et féministes de bell hooks. Après avoir publié À propos d'amour en 2000 (tout juste traduit et paru début octobre en France chez Divergences), bell hooks écrit à nouveau sur ce thème en 2002 dans Communion, qui paraît aujourd'hui chez Armand Colin. Loin d'être une affaire de femmes comme l'imaginaire collectif tend à le faire croire, l'amour est ici une quête, la condition d'une liberté, la possibilité de l'amour de soi, et passe par le sacrifice du pouvoir et de la domination. Aucune révolution féministe ne pourra se faire sans ce sentiment et l'empathie qu'il génère, la connaissance de soi et la communion avec l'autre.

Dès l'introduction de son essai, bell hooks souligne le fait que beaucoup d'hommes se sont intéressés au sujet et que les ouvrages pris au sérieux sur l'amour sont signés par des hommes. Tout comme elle invitait les hommes à se libérer en se déconstruisant et à « penser en féministes » dans Tout le monde peut être féministe ou La volonté de changer (Divergences, 2020 et 2021), bell hooks exprime ici la nécessité d'aimer en féministe et s'adresse aussi bien aux femmes qu'aux hommes.

Dans À propos d'amour, elle réfléchissait aux manières de reterritorialiser l'amour dans la pensée féministe, à travers les manières de le nommer, ou bien sous les angles de la justice, de l'éthique, de l'honnêteté, de l'engagement, de la communauté et de la romance... Ce livre très clair abordait en de courts chapitres les différentes strates et complexités de l'amour, dans un contexte où la pensée patriarcale domine.

Dans Communion, elle poursuit ces réflexions sur l'amour comme un combat, notamment par le biais de l'âge. En 2002, lorsque paraît le livre, elle a 50 ans et revient sur la relation amoureuse qu'elle a vécu pendant quinze ans avec un homme rencontré lorsqu'elle avait en 19. Elle remet en question son rapport à l'amour et rappelle qu'au-delà de la mauvaise réputation de la « vieille fille » – cette célibataire de plus de 25-30 ans supposée rester seule pour toujours –, les femmes se privent bien souvent de l'accès au « véritable amour » afin de préserver leur liberté.

Si elle associe la vingtaine et la trentaine à une période de militantisme et à la nécessité de se séparer des carcans imposés par le patriarcat, admettant la difficulté d'articuler cette lutte et le développement du sentiment amoureux, elle retrouve dans le « mitan » de l'existence la possibilité d'accéder à un amour véritable et serein. Ainsi, dans ce texte qui est à la fois une ode et la poursuite d'une lutte féministe qui sort du pessimisme, elle réhabilite la sororité, l'amitié amoureuse, l'amour lesbien, les hommes aimants et l'extase de la communion dans l'amour.

bell hooks
Communion. Aimer en féministes Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hajer Gam et Lorraine Delavaud
Armand Colin
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 24 € ; 224 p.
ISBN: 9782200634117

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