Grand entretien 2/2

Arnaud Gauquelin : «  Le livre neuf est la priorité de Cultura, simplement il y a des usages qui évoluent  »

"Chez Cultura, nos parts de marché liées à l’achat de l’occasion sont inférieures à 5 % " - Arnaud Gauquelin - Photo Charles Knappek/ Olivier Dion

Arnaud Gauquelin : «  Le livre neuf est la priorité de Cultura, simplement il y a des usages qui évoluent  »

Livre d’occasion, Filéas, marché audio… Notre rencontre avec Arnaud Gauquelin, directeur général de Cultura, a également été l’occasion d’aborder les sujets brûlants qui agitent et occupent actuellement l’interprofession.

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Par Elodie Carreira, Charles Knappek
Créé le 17.09.2025 à 17h46 ,
Mis à jour le 18.09.2025 à 08h59

Livres Hebdo : À l’instar d’autres grandes surfaces commerciales, Cultura s’est doté d’un espace dédié au livre d’occasion, alors que le monde éditorial s’inquiète de la montée en puissance de ce marché, accusé de menacer « la chaîne de création financée par les ventes de livres neufs ». Comment prenez-vous en compte ces inquiétudes ?

Arnaud Gauquelin : Depuis ses débuts, Cultura s’est voulu un soutien fort de la lecture, et notamment du livre neuf qui reste notre priorité. Simplement, il y a des usages qui évoluent. Encore une fois, notre rôle de libraire est d’être au plus proche des besoins d’une partie de notre clientèle, dans des proportions raisonnables et proportionnées. Je rappelle tout de même que le poids du livre d’occasion est aujourd’hui de 10 % pour les librairies contre 90 % pour les plateformes en ligne. Chez Cultura, nos parts de marché liées à l’achat de l’occasion sont inférieures à 5 % et 85 % des livres d’occasion que nous mettons en vente ont été publiés il y a plus de trois ans.

Lire aussi : Arnaud Gauquelin : « D’ici cinq ans, Cultura a l’ambition d’ouvrir 60 magasins supplémentaires »

J’ai donc été surpris des inquiétudes exprimées à l’égard de cette offre complémentaire. D’autant plus que le livre d’occasion s’inscrit dans un cercle vertueux, puisque les clients qui viennent pour cela découvrent également du livre neuf, créant ainsi une énième source de trafic. D’ailleurs, nous rachetons les livres à nos clients qui, en contrepartie, reçoivent des bons d’achat qu’ils réinvestissent majoritairement dans l’achat de livres neufs. Il me semble donc que cette circulation, au sein des librairies, est plutôt saine et nous permet également de décarboner nos activités. Une étude réalisée pour Cultura par un cabinet indépendant le prouve et indique que la reprise directe représente une réduction de 88 % des émissions carbone par rapport à la vente d'un livre neuf, en intégrant le déplacement des clients.

Tous à la lecture - Cultura
Pour cultiver le goût de la lecture chez les plus jeunes, Cultura a créé le programme "Tous à la lecture !", dans le cadre duquel l'enseigne a créé deux podcasts.- Photo CHARLES KNAPPEK

« Nous défendons la lecture sous toutes ses formes »

L’essor du livre d’occasion préoccupe également les auteurs, affectés par une absence de rémunération supplémentaire. Lors du dernier festival du livre de Paris, certaines propositions ont été esquissées en ce sens. Y seriez-vous favorable ?

La rémunération des auteurs et autrices est évidemment un enjeu important. Nous serons donc partie prenante de toute réflexion permettant de garantir aux auteurs de toucher davantage de droits. Nous nous savons totalement dépendants de la création, il nous semble donc normal que celle-ci soit rémunérée à sa juste valeur. Des discussions sont prévues avec l’interprofession, et nous en ferons partie.

Vivlio
La seule liseuse commercialisée par Cultura est Vivlio, propriété du groupe Phoebux, qui possède également Cultura.- Photo CHARLES KNAPPEK

Qu’en est-il du livre numérique ?

Nous défendons la lecture sous toutes ses formes. Tout comme pour le livre audio, il existe une demande sur le livre numérique. Pour cela, nous travaillons bien avec Vivlio, que nous envisageons comme un partenaire commercial pertinent puisqu’il est un acteur français, européen, et une alternative à l’offre existante.

Une communication au service de la lecture

Vous avez mentionné le livre audio. L’arrivée de Spotify sur ce segment a-t-elle bouleversé votre stratégie ?

Oui, très certainement. Nous avons évoqué les préoccupations des éditeurs face au marché de l’occasion, mais de notre côté, nous nous interrogeons aussi sur les liens directs entre les éditeurs et les plateformes. Je trouve que le développement de ces nouveaux acteurs mériterait, tout comme l’occasion, une réflexion globale puisqu’il pourrait tout à fait déstabiliser notre fonctionnement. On en a vu l’illustration en Suède. Si nous n’en sommes pas là en France, le marché tend néanmoins à se développer très fortement.

Autre bouleversement notable ces derniers mois : le lancement, par le Syndicat national de l’édition de Filéas, outil permettant à l’interprofession de suivre les ventes de livres. Cette nouvelle création a-t-elle changé votre mode de fonctionnement ?

Filéas était un enjeu de longue date dans l’interprofession. Nous y participons au travers de GFK, avec qui nous partageons nos ventes. Pour le reste, nous restons attentifs à ce qui se passe puisque l’on sait les velléités de développement sous d’autres formes et sur d’autres segments. Nous poursuivons donc nos échanges avec les éditeurs et nous resterons vigilants à ce que la donnée continue d’appartenir aux libraires. À terme, si l’on souhaite un modèle permettant d’affiner les chiffres de ventes, il faut que celui-ci soit le plus exhaustif possible. Aujourd’hui, GFK couvre déjà 80 % du marché. Selon nous, il aurait été peut-être plus judicieux de développer cet outil plutôt que de créer un nouveau véhicule. Ou alors ce nouvel outil doit être nettement supérieur au premier. Néanmoins, nous restons favorables à un système permettant de donner aux auteurs une meilleure visibilité sur leurs ventes.

 

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