Né dans une famille libanaise installés au Brésil, Milton Hatoum est l’un des grands écrivains brésiliens d’aujourd’hui. Très brésilienne est également son inspiration, même s’il n’oublie jamais ses racines orientales. Ainsi, dans la nouvelle de ce recueil intitulée « La nature se rit de la culture », évoque-t-il Emilie, la « matriarche », la grand-mère de la narratrice, qui a pour habitude de toujours chanter en français, et non en arabe. Encore moins en portugais. Une présence francophone cultivée grâce à deux Français, Armand Verne, un philanthrope qui a épousé la cause des Indiens d’Amazonie, menacés d’une forme de génocide à cause du soi-disant « progrès ». Et Félix Delatour, un géant breton excentrique, qui apprenait sa langue à la jeune fille avant de s’aventurer, en 1971, sur le rio Negro. Et l’on n’a plus jamais entendu parler de lui.
Universitaire, polyglotte, Milton Hatoum a vécu aux Etats-Unis. Professeur de littérature à Berkeley, il est aussi traducteur en portugais de Flaubert ou de Marcel Schwob. Mais ses voyages, ses expériences, ses approches d’autres cultures l’ont toujours ramené chez lui, à Manaus, où il est né en 1952, la capitale de l’Etat d’Amazonas, au confluent de l’Amazone et du rio Negro, lequel occupe une place centrale dans son livre, justement intitulé La ville au milieu des eaux.
Par exemple, dans « Un Oriental dans l’immensité », on voit une narratrice, chercheuse à l’université d’Amazonas, chargée de disperser les cendres d’un vieux savant biologiste japonais, Kurokawa, qu’elle avait accueilli et promené quatre ans auparavant, dans le rio Negro même qu’il avait tant aimé. Ou bien, une fois, un vieux colporteur qui fait du commerce sur l’Amazone raconte la bien curieuse cargaison transportée un jour par le capitaine Dalberto sur son bateau?: un cercueil vide qui ne le demeurera pas longtemps. Il y a encore l’histoire de Zafiro l’Immortel, poète qui n’a rien publié mais rêve d’aller à Paris alors qu’il n’a jamais quitté son pauvre village, ou encore les aventures récurrentes de Ranulfo, l’oncle fantasque du narrateur.
Tout cela est divers et varié, comme la palette du talentueux Milton Hatoum, et tourne autour du passé, des souvenirs, de la nostalgie. Et l’on revient toujours à Manaus, jamais décrite mais obsédante, au milieu de son rio Negro.
La ville au milieu des eaux - Traduit du portugais (Brésil) par Michel Riaudel
Actes Sud
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 17 euros ; 160 p.
ISBN: 978-2-330-10921-9