La collection des livres Monsieur Madame fête cette année son 50ème anniversaire. Pour cette occasion, les lecteurs peuvent voter jusqu'au 31 mars pour les deux prochains personnages de la série. Les livres édités en France chez Hachette Jeunesse seront publiés en septembre prochain. Livres Hebdo a évoqué avec son auteur Adam Hargreaves l'histoire et le renouvellement de cette série, crée en 1971 par son père Roger Hargreaves.
Êtes-vous toujours inspiré par la manière d'écrire et de dessiner de votre père ?
Je suis toujours très inspiré par les livres originaux. Quand j’ai repris la collection, c'était très soudain. Je n’ai jamais été investi dans ce projet avant le décès de mon père. Il ne m’a pas personnellement appris comment dessiner les personnages. J’ai donc utilisé ses livres comme des guides pour écrire de nouvelles histoires. J’essaie continuellement de garder le style qu’il utilisait. Quand je suis coincé sur une idée, je retourne toujours lire ses histoires.
D'où vient votre inspiration ?
Je tends à travailler sur mes propres idées. Mon inspiration pour créer de nouveaux personnages vient évidemment de toutes les personnes qui m’entourent y compris mes enfants. L’objectif est toujours de trouver une nouvelle émotion ou caractéristique.
Au bout de 50 ans, comment faites-vous pour renouveler le style de Monsieur Madame ?
Je pense que tous les artistes évoluent dans le temps. Quand j’ai repris le travail de mon père, j’ai dû apprendre comment reproduire les personnages. J’utilisais une sorte de papier calque pour les dessiner. Si nous comparons les livres originaux et ceux de la fin de carrière de mon père, on voit des différences. Les composantes du dessin ne changent pas : la forme, taille et couleur sont les mêmes. Mais, quand mon père a commencé, il utilisait délibérément des marqueurs aux pointes épaisses pour colorier les personnages, sans que cela ne déborde du traçage sur le papier. Avec le temps, le développement technologique et les nouveaux papiers ont permis d’utiliser des crayons plus fins, ce qui a entraîné des modifications pour les personnages.
Comment intégrez-vous des nouvelles thématiques de société, par exemple, le féminisme ?
L’essence de Monsieur Madame c’est d’échanger des histoires drôles qui amusent les enfants. C’est ce que j’essaie toujours d’achever quand j'écris une histoire. Il y a évidemment beaucoup de changements sociétaux depuis 1970. C’est bien sûr important d’avoir tout cela en tête quand on écrit. Il faut trouver une balance paritaire entre Monsieur et Madame. Je maintiens cet équilibre que mon père avait commencée dès sa création. C’est l’une des caractéristiques de mon travail. Pour les Madames je veille à écrire des caractéristiques positives. C'est le cas par exemple avec Madame Invention. Tous les personnages peuvent être intervertis : Monsieur Fort peut devenir Madame Forte. Chacun a une sorte de jumeau dans l’autre genre.
Quel est votre personnage préféré ?
J’ai plusieurs personnages préférés. J'aime particulièrement, Monsieur Malchance car il capte le look typique de Monsieur Madame. J’aime le dessiner. Mais mon personnage préféré est probablement Monsieur Etonnant de par son récit. Je pense que c'est l’une des meilleures histoires que mon père a écrite et qui illustre son sens de l’humour.
Avez-vous eu des difficultés pour réaliser certains personnages ?
Quand j’écris, c'est parfois difficile, tandis que d'autres fois, je me lève le matin et j’ai déjà l’idée. Ce sont là généralement les meilleures histoires, ou du moins les plus satisfaisantes. Autrement, ça m'arrive de rester des mois à réfléchir pour terminer une histoire. C’est un défi qui me plaît, car à la fin tout le travail effectué est épanouissant. Je n’arrive pas à trouver un personnage en particulier qui était vraiment difficile. Mais Mr Calme et Mme Gentille, deux des nouveaux personnages, m'ont demandé du temps pour les mettre en place.
Monsieur Madame est traduit dans plus de 17 langues, comment expliquez-vous cette universalité ?
Je pense que l’une des principales forces de Monsieur Madame c’est qu’il s’agit de prendre une émotion caractéristique ou un attribut humain pour en faire des personnages. Nous nous reconnaissons tous. Chaque personnage est un peu une part de nous. Ce sont des choses facilement traduisibles dans d’autres langues et cultures. Il y a toujours de la joie ou de la tristesse dans toutes les langues du monde. Les personnages sont tout de suite reconnaissables, il n’y a pas à les introduire.
Hachette Jeunesse vous a déjà demandé de créer des personnages comme Madame Géniale et Evian a commandé un Monsieur Glouglou, quel est votre processus de création dans ces cas-là ?
Les droits des personnages sont tenus par Sanrio. D'habitude, l'éditeur demande un nouveau caractère ou un récit sur des personnages déjà existants. C’est un double processus : le côté business appartient à Sanrio, tandis que moi je me concentre sur l’aspect créatif. Nous avons des sortes de "shortlists" pour écrire. Pour ce qui est de Monsieur Glouglou, il s’agit d’une licence, là encore discutée avec Sanrio. Je dois trouver l’histoire et la construire en partant de rien. Il y a également d’autres franchises comme Dr Who. Là, c'est un tout autre challenge : en terme de création c’est différent. Une sorte d'histoire de Monsieur Madame dans celle de Dr Who. Dans ce cadre-là, je travaille en collaboration avec la BBC, qui détient les droits de Dr Who. Ils m’ont donné une notice avec des personnages que je devais “monsieurer et madamiser”. Tout dépend du brief. De ma perspective, le plus important c'est d’écrire des bonnes histoires drôles.
Vous proposez cinq nouveaux personnages pour le 50e anniversaire de la collection, comment avez-vous choisi ces nouvelles personnalités (Monsieur Calme, Madame Gentille, Madame Courage, Madame Énergie ou Monsieur Artiste) ?
La première étape était de faire une sélection, on avait plus de 90 personnages avec des émotions et caractères sur lesquels nous n’avions pas déjà écrit. Nous avions une liste sur lesquels on a travaillé avec Sanrio pour voir quels sont ceux qui feront de bons personnages pour des belles et drôles histoires. C’était une décision difficile avec beaucoup de collaboration.
Quels sont vos projets à venir ?
La plupart de mon temps est pris en ce moment sur les cinq nouveaux personnages. Mais sinon, j’ai en préparation un livre pour Hachette Jeunesse. Nous avons fait une série sur Monsieur Madame à travers le monde : Le tour du monde des Monsieur Madame. C'est une série assez drôle où j’ai l'occasion d’explorer le monde à travers le dessin.