Plus qu'une biographie de Liszt, il s'agit d'une promenade dans son œuvre et surtout d'une réflexion sur la virtuosité et l'attachement à la précarité féerique du moment. Dans cet essai réédité trente ans après sa parution chez Plon, on retrouve la clarté de Vladimir Jankélévitch (1903-1985). Le philosophe mélomane résume son projet en quelques mots. « Dans la virtuosité s'exprime cette suzeraineté géniale qui est une des formes de l'humanisme. Le virtuose démontre à l'homme tout ce que peut un homme. »

Bien souvent, le virtuose fait sans savoir comment il fait. Et c'est cette manière de faire qui vous emporte. « L'homme virtuose possède un excédent de maîtrise instrumentale, comme l'orateur en verve possède un excédent de vocabulaire. » C'est son côté Monsieur Plus. Sauf que la virtuosité, c'est la performance d'une personne, seule, non pas contre mais avec tous. Le soliste, nous dit joliment Jankélévitch, implique le « solisme », une discipline de soi à destination des autres. « Le prestige de la virtuosité opère non pas seulement dans l'instabilité du mouvement, mais dans l'inconstance du devenir. » On n'est virtuose que dans l'instant. Cette « flambée éphémère » ne se savoure pas au futur. Il s'agit de goûter pleinement l'instant présent. Toute une philosophie de l'existence.