À Toulouse, les mobilisations sociales et assemblées générales impulsées par les agents bibliothécaires se multiplient et se poursuivent. Depuis le 5 décembre 2024, les acteurs des 22 médiathèques de la ville, parmi lesquelles Grand M, Roseraie ou encore José Cabanis, n’ont de cesse de dénoncer les mesures d’« austérité budgétaire », menées par la mairie de Toulouse. Très critiques du projet Proxima voulu par la Métropole et le Capitole, les agents déplorent également la baisse importante des crédits dévolus à la culture et aux collectivités locales, premiers financeurs publics du secteur culturel, depuis l’adoption de la loi de finances 2025 (PLF).
Dégradation du service public
« Les bibliothèques toulousaines connaissent une perte de budget importante qui participe à la dégradation de nos conditions de travail, augmente les risques psychosociaux et in fine, détruit la qualité de notre mission de service public », détaille un agent du « personnel des bibliothèques en lutte », collectif formé dès les premières mobilisations.
Dans une pétition diffusée en ligne le 13 décembre dernier, à la suite d’une première assemblée générale, les agents ont donc voulu réagir, interpellant les usagers des bibliothèques, comme le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, tenu responsable de la détresse du personnel.

Les agents y dénoncent notamment les effets du projet Proxima, plan d’action consistant en la réorganisation des administrations et services publics toulousains, mené à bien par Éric Ardouin, directeur général des services de la Ville de Toulouse et de Toulouse Métropole. Effectif depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, le projet, qui entendait rapprocher les citoyens de l’administration, a, entre autres, décentralisé la direction initiale pour déployer cinq nouvelles directions territoriales aux services mutualisés. Cette modification majeure a requis la mobilité flexible de plusieurs agents, qui doivent désormais pouvoir exercer leurs missions à plusieurs endroits du territoire. En dépit des nombreuses contestations, certains bibliothécaires, parmi les 360 que compte le réseau, n’y ont d’ailleurs pas échappé.
Le projet Proxima, une réforme contestée
Avant même sa mise en place, la réforme a suscité de nombreuses contestations, les syndicalistes allant jusqu’à parler d’un « plan social déguisé ». Cinq mois après son application, la CGT Mairie de Toulouse tirait déjà un premier bilan morose, citant une « surcharge de travail », un « manque d’accompagnement » ou encore des « sous-effectifs criants ». Du côté des bibliothèques de quartier, les syndicalistes observaient également une importante « désorganisation ». Laquelle a engendré « une augmentation, jamais vue jusqu’ici, des fermetures en lien avec les manques d’effectifs ».
Un constat partagé par la Direction des bibliothèques et du livre de la ville, qui, au même moment, résumait la situation en ces mots : « […] Ajout de strates d’encadrement creusant le fossé entre la direction et les équipes, suppression de postes C et multiplication des postes A sans encadrement, le nouvel organigramme ne répond en rien aux améliorations attendues par les agents ».
« La réforme Proxima est un véritable terreau de difficultés. Elle crée non seulement des disparités au sein des services, mais aussi avec nos usagers », résume Nicolas Rébier, agent de bibliothèque élu à la commission exécutive du syndicat CGT de la Mairie de Toulouse. Cependant, la restructuration des services publics n’est pas la seule politique pointée du doigt. Dans le cadre du projet de loi de finances de 2025, plusieurs fois retardé par la succession des gouvernements, l’édile de Toulouse avait annoncé, avant même l’adoption de la loi, une coupe budgétaire de 70 millions d’euros pour la métropole et le Capitole.
« Toutes les semaines, des bibliothèques de quartier sont contraintes de fermer »
Ramenée à la mi-février à 50 millions d’euros, du fait de la législation finalement adoptée par le gouvernement Bayrou le 6 février, la ponction reste néanmoins considérable pour le budget de fonctionnement des deux entités. Du côté des missions de service public, les répercussions s’en font particulièrement sentir. Les associations culturelles de la ville de Toulouse voient par exemple leurs subventions amputées de 40 %. « Le maire a également fait le choix de geler les recrutements. Les départs à la retraite, les arrêts maladie, ou les absences longues maladies ne sont donc pas remplacés », fait savoir Nicole Rébier.
Sur l’ensemble du réseau de bibliothèques de Toulouse, le syndicaliste recense ainsi sept départs à la retraite d'ici à fin 2025, non remplacés, six postes vacants gelés, douze absences longues non remplacées ou encore quatre mi-temps thérapeutiques non compensés.
« Par ailleurs, le budget consacré aux animations a baissé de 60 %, tandis que celui dédié à l’embauche de contractuels a diminué de 70 % », ajoute-t-il, précisant que 13 contractuels n’ont pas été renouvelés entre décembre 2024 et février 2025, tandis que deux autres devraient être écartés en mars. « À ce rythme, d’ici juin 2025, nous aurons un déficit de 10 % de nos effectifs. Toutes les semaines, des bibliothèques de quartier sont contraintes de fermer », déplore l’agent de bibliothèque, soulignant le surmenage au long terme des équipes en place.
Des mobilisations qui perdurent
En dépit des multiples mobilisations des agents bibliothécaires – dont la plus récente, le 13 février dernier, a également rassemblé les centres culturels, le tissu associatif et certaines organisations politiques –, et la réduction des coupes budgétaires annoncées initialement, la mairie ne semble pourtant pas disposée à remanier ses engagements.
Une décision jugée « incompréhensible » pour les agents bibliothécaires interrogés. « De toute façon, la seule fois où nous avons été reçus par la mairie, il nous a été répondu que les bibliothèques n’étaient pas particulièrement visées, que ça ne leur faisait pas plaisir, mais que c’était comme ça, que c’était la faute de l’État », nous fait part l’un d’entre eux.
Malgré tout, la détermination des agents de bibliothèques à construire une « mobilisation unitaire » pour « contrer la destruction organisée de nos services publics » perdure. D’une même voix, ils revendiquent la suppression de la réforme Proxima, un budget revu à la hausse, le renouvellement et la titularisation des contractuels en fin de contrat, ainsi que le remplacement des postes vacants.
Pour faire valoir ces demandes, un prochain rassemblement est à prévoir dès les premiers jours de la rentrée. Un autre, programmé le 27 mars, devrait également bousculer la tenue du prochain conseil municipal, où la question de l’attribution des subventions culturelles devrait figurer à l’ordre du jour.
Contactée par Livres Hebdo, la Mairie de Toulouse n'a pas donné suite à nos sollicitations. Néanmoins, la majorité s'est défendue dans un communiqué diffusé le 20 février dernier, concédant que « le contexte financier national nous a amené à faire des choix difficiles ». Elle a également déclaré avoir fait le choix « de la prudence dans la gestion budgétaire », faisant référence au gel des subventions aux associations toulousaines et aux gels des recrutements. Enfin, elle a signalé avoir « prévu de voter un budget supplémentaire d’ici à l’été pour corriger les prévisions budgétaires, après le vote de la loi de finances, en espérant pouvoir augmenter les subventions ».