Avant-critique Essai

Taous Merakchi, "Monstrueuse" (La Ville Brûle)

Taous Merakchi - Photo © Amandine Giloux

Taous Merakchi, "Monstrueuse" (La Ville Brûle)

Pour Taous Merakchi, le cinéma d'horreur est plus qu'un divertissement : il est la voie d'une émancipation et une main tendue pour tous les parias qui ne trouvent leur place nulle part.

Parution 10 octobre

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Par Léon Cattan
Créé le 10.10.2025 à 09h00

Moi ce que j'aime, c'est les monstres. « Une partie de moi est convaincue que l'horreur est l'une des meilleures formes de développement personnel. Oubliez le yoga et la sophro, c'est dans le sang et la brume qu'on trouvera le salut. » Les termes sont posés. À une époque où les odes au minimalisme et aux skincare routines à rallonge saturent les réseaux sociaux, où la maîtrise de soi est présentée comme le plus sain des idéaux, pourquoi ne pas chercher la transgression dans l'horreur ? C'est l'alléchante proposition de la podcasteuse et autrice Taous Merakchi dans l'essai Monstrueuse.

Critiqué, dévalorisé ou traîné dans la boue, le genre horrifique a connu son lot de paniques morales au fil des décennies. Ces films, nous a-t-on dit, seraient l'œuvre de détraqués, d'individus malveillants souhaitant détourner la jeunesse du droit chemin ou pervertir la société. Mais si, au lieu de la pervertir, l'horreur ne faisait que la refléter ? Maître du genre, Stephen King a un jour dit : « Je crois que le diable est en nous, tout comme Dieu. Il y a quelque chose dans nos âmes qui aime la violence, la terreur, le mal. » Cette conception de la chose pourrait être partagée par Taous Merakchi, qui soutient que l'horreur nous confronte - d'une manière libératrice - aux tabous de la condition humaine. Les films d'horreur particulièrement bons nous coupent le souffle ; et en même temps, nous permettent d'en retrouver un nouveau.

À bien y penser, il serait un brin réducteur de résumer Monstrueuse à un essai, tant le vécu de l'autrice y est constamment mobilisé. Son penchant pour les monstres et les litres délirants de fausse hémoglobine remonte à l'enfance, une enfance décrite comme compliquée, marquée par des dysfonctionnements familiaux et un ostracisme social, quelque chose qui, d'après elle, n'est pas si rare parmi les fans d'horreur. Avoir peur pour de faux devant son écran permet d'oublier un instant qu'on a peur, tous les jours, pour de vrai. D'oublier et en même temps de se retrouver dans les créatures qui peuplent l'imaginaire du genre, marginaux parmi les marginaux. Il y a toute une philosophie derrière le film d'horreur, ainsi que de la critique sociale, ce que montre Monstrueuse avec une ribambelle d'exemples, allant des classiques de John Carpenter aux teen movies effrayants comme Dangereuse alliance. En lisant ce court récit, certains s'identifieront. Les autres repartiront avec une liste de films à voir longue comme le bras.

Taous Merakchi
Monstrueuse
la Ville brûle
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18 € ; 224 p.
ISBN: 9782360121779

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