La Société coopérative et participative SavoirsPlus a décidé de mettre en vente sa librairie Contact d'Angers, dans le Maine-et-Loire, ainsi que ses deux magasins Sadel d'Angers et Orvault (Loire-Atlantique).
Patrice Bouyssou, directeur général de la Scop, a pris cette décision pour des « raisons à la fois économique et stratégique. »
Les deux magasins Sadel sont spécialisés dans le scolaire et la papeterie tandis que Contact est une librairie-papeterie généraliste. « Les magasins sont en difficultés à cause de la concurrence locale à Angers. L’ouverture de deux Cultura a rebattu les cartes », justifie le directeur auprès de Livres Hebdo.
Pas assez rentables
Les enseignes seraient déficitaires avec un chiffre d’affaires en forte baisse pour la librairie Sadel. Celui-ci est passé de 3,8 millions à 2,7 millions d’euros en trois ans. L'activité est plus stable à la librairie Contact, avec un chiffre d'affaires d'environ 2 millions d’euros. « Ce n’est pas un écroulement du chiffre d’affaires mais on n’arrive pas à rentabiliser et équilibrer le commerce. »
Une deuxième raison est invoquée : SavoirsPlus vit également grâce à la vente de fournitures scolaires pour des marchés publics comme la ville de Paris. Un catalogue de 10 000 produits bureautiques à destination des établissements de toute la France. « On veut concentrer notre énergie là-dessus, c’est notre cœur de métier », appuie Patrice Bouyssou.
« Une manière inacceptable »
Sa décision est loin de faire l’unanimité au sein de la Scop : « On est très surpris du virage pris en quelques mois. L’humain n’est plus au cœur de l’entreprise mais c’est bien le bénéfice », confie une source interne. Au mois de novembre, il avait été communiqué aux salariés que les magasins seraient conservés avant un revirement trois mois plus tard.
Quelque 53 postes sont ici en danger. Deux magasins Sadel ont déjà fermé en 2024 à Vannes et Rennes. Avec la cession des trois points de vente d'Angers et Orvault, SavoirsPlus va cependant continuer ses ventes de livres par correspondance. Celles-ci représentent un tiers des ventes globales de l’entreprise auprès des marchés publics, pour un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros. La scop prévoit également de fermer un dépôt logistique à Loriol-sur-Drôme (Drôme).
« On tire une sonnette d’alarme sur le déni démocratique. On est une Scop, SavoirsPlus n’est pas à Patrice Bouyssou », s’insurge auprès de Livres Hebdo Patrice Moysan, ancien directeur général de SavoirsPlus parti à la retraite en 2021. Il est aujourd’hui membre de l’association des fondateurs et des amis de la Sadel.
« Je ne mets pas en doute la santé financière, mais on lui reproche cette manière inacceptable. Il a décidé avec son cercle de cadres, sans consulter les salariés qui sont à 87 % sociétaires de la Scop. Pas de débat ni de plans, ni de vote, ces étapes-là n’ont pas existé et ils ont appris la mise en vente du jour au lendemain. »
Patrice Moysan lui reproche également une mauvaise gestion avec la suppression de ressources, dont le licenciement d’un directeur de magasin.
Un manque d’échange reproché
« C’est une décision où il faut mettre l’affect de côté, répond Patrice Bouyssou. Il est devenu impossible de rendre ce vote pour tous car les 160 salariés n’ont pas toutes les clés et ne prendraient des mesures ni objectives, ni éclairées. »
Patrice Bouyssou affirme avoir pris la décision avec le conseil d'administration de voter les mises en vente, avec l’accord du CSE et l’aval de l’Union régionale des Scops qui « confirme la légitimité et la bonne façon de procéder », indique le directeur actuel. « Le conseil d’administration est ouvert à tout le monde et aucun membre des magasins n’y est. Il fallait se porter candidat, mais ils ne se sont pas impliqués. »
En l'absence d'avancée concrète sur le rachat, les magasins devraient fermer en septembre 2025. « Notre priorité est de préserver les emplois. Ce n’est pas une opération à volonté financière car on reste une société coopérative et participative », assure Patrice Bouyssou.
Un comité pour chaque magasin est prévu afin d’étudier ensemble les offres de rachat. « Le but est de faire perdurer ces enseignes notoires et connues de tous les Angevins », précise le directeur.
Effectivement, les librairies Sadel et Contact existent à Angers depuis respectivement 70 et 40 ans. Les prix de départ pour les fonds de commerce sont fixés à 280 000 euros pour Contact, 425 000 euros pour Sadel à Angers, et 220 000 pour Sadel à Orvault. Pour l’instant seuls quelques contacts et des prises de renseignements sont à signaler. L’offre est actuellement disponible sur le site Place des Commerces.
Dans le dernier classement Livres Hebdo des 400 premières librairies françaises, SavoirsPlus occupait la 4e position avec un chiffre d'affaires livres de 15,5 millions d'euros en 2023.