Livres Hebdo : Cette édition 2025 des Utopiales est marquée par des coupes budgétaires. Avez-vous pu compenser les pertes par de nouveaux partenaires scientifiques, avec lesquels vous faites le lien au sein du festival ?
Roland Lehoucq : Je fais en effet l’interface avec les scientifiques, je peux leur dire « cher collègues, je vous invite au festival ! ». Et on maintient les partenariats. Vu le contexte tendu pour les institutions scientifiques, on est contents qu’ils restent et qu’ils nous soutiennent. Sous deux formes : ils mettent des sous sur la table, et font en plus venir leurs scientifiques. Pour ses 75 ans, le Commissariat à l'énergie atomique avait réservé ses budgets pour son anniversaire. Cette année, pour ses 80 ans, il est resté avec nous. Nos partenaires sont donc fidèles, mais on en cherche encore d’autres.
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Le festival des Utopiales fête son 25e anniversaire : en tant que président de l’association et force de propositions pour la programmation, qu’avez-vous souhaité de singulier pour l’occasion ?
Ce n’est pas de mon fait, mais quelques événements « anniversaires » ont été organisés : un live Twitch de 25 heures, une soirée festive, la venue d’Enki Bilal (qui avait réalisé la première affiche)… Sinon l’esprit reste le même : celui du banquet de Platon. On vient pour picoler, puis des gens parlent, disent des choses intéressantes, et on repart en ayant appris des choses. On vient pour la SF et on repart avec plein d’autres trucs.
« Être un service public de la culture »
La limite du succès : de longues files d’attente, des festivaliers recalés, des Utopiales saturées !
Mais faut-il croître indéfiniment ? A-t-on envie d’avoir un million de visiteurs ? L’empreinte environnementale du festival serait gigantesque, or on réfléchit pas mal pendant les Utopiales à la limitabilité de la Terre. C’est un festival qui dit déjà plein de choses, on ne veut pas croître.
Mais peut-être faut-il faire croître les financements ? Le festival est structurellement déficitaire…
Cela fait partie de l’idée : être un service public de la culture, qui s’interroge justement sur le modèle de société qu’on veut faire prévaloir, à l’opposé du consumérisme.
En termes de consommation d’énergie, parlons d’intelligence artificielle, et du court-métrage Transformation réalisé à l’aide d’une IA qui a été projeté et hué, et de l’animation en continu consistant à se faire photographier et mis dans un décor conçu par une IA générative. Un photobooth décrié par des festivaliers…
Est-ce une bonne idée ou non ? Nous sommes là pour réfléchir. Plutôt que huer, il faut réfléchir, éduquer son mécontentement ! Pour le photobooth, il n’est pas laissé dans un coin : des médiateurs sont là pour expliquer la machinerie interne. C’est pas pour rigoler. L’effet « waouh » attire les gens (comme le buffet d’un banquet), puis on leur explique la mécanique.
