Essai/Royaume-Uni 29 août Josephine Crawley Quinn

La Phénicie non plus n'existe pas ! Enfin pas telle que l'entendait Renan lorsqu'il parlait de « la vieille civilisation phénicienne ». Pour Josephine Crawley Quinn, les Phéniciens ont certes bien existé mais n'ont jamais constitué un peuple conscient de lui-même. Il s'agit d'une invention grecque reprise des siècles plus tard par le nationalisme moderne. Ainsi, après l'indépendance en 1946, certains Libanais - Beyrouth fait partie de ce littoral syro-palestinien - se sont désignés comme les héritiers des Phéniciens. Cette historienne et archéologue britannique (Worcester College, Université d'Oxford) expose sa thèse dans ce livre savant et néanmoins très accessible qui pose le problème de l'identité ethnique et le sentiment de « faire peuple ».

Dans ce premier livre traduit en français, elle propose de rechercher ailleurs ce que nous appelons « Phéniciens » et de comprendre pourquoi cette idée de « Phénicie » a été adoptée. Pour cela, elle suggère d'adopter des échelles plus petites que celle de « peuple » ou de « civilisation ». « Les données disponibles suggèrent que, dans toute la Méditerranée, les identités collectives se sont surtout articulées sous l'angle des Cités-Etats, et que l'idée d'avoir des ancêtres communs ou une histoire partagée, a rarement été décisive pour façonner une appartenance. »

Ainsi, les 10 000 inscriptions en phéniciens - essentiellement des inscriptions funéraires - ne permettent pas de démontrer que ce peuple s'autodéfinissait comme phénicien, d'autant plus qu'il se revendiquait cananéen. Ce groupe - car il y a bien groupe tout de même sur cette bande côtière - aurait partagé moins une histoire et un territoire communs que des liens culturels, cultuels - les dieux Baal Hammon et Melqart -, linguistiques - une écriture alphabétique dès le XIVe siècle avant J.-C. - et des objets. Pour Josephine Crawley Quinn, cela fait un groupe, mais pas un peuple.

Sa démonstration s'appuie sur l'absence de preuves. Mais une absence de preuve n'entraîne pas la présence d'une vérité, elle en convient d'ailleurs, et sa remarquable argumentation invite au débat. Pas de Phénicie sans doute, mais les cités commerçantes du Levant, les Byblos, Tyr et Sidon continueront du fond des âges à nous faire rêver.

Josephine Crawley Quinn
A la recherche des Phéniciens - Préface de Corinne Bonnet
La découverte
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 25 août ; 430 p.
ISBN: 9782348042027

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