Objectif Terre ! À force de rechercher les conditions nécessaires à l'émergence de la vie ailleurs, Nathalie Cabrol a pris conscience de la fragilité de la vie ici. D'où la nécessité de la comprendre et de la préserver, autant que faire se peut, face au technosystème et à la surconsommation. Après plusieurs ouvrages remarqués sur son parcours et ses travaux (Voyage aux frontières de la vie, Seuil, 2021, À l'aube de nouveaux horizons, Seuil, 2023), cette astrobiologiste franco-américaine qui dirige le centre de recherche Carl Sagan de l'institut SETI en Californie a quitté le Seuil pour suivre son éditeur Adrien Bosc chez Julliard et a rédigé cet essai, grand récit de l'apparition de la vie sur Terre, et de sa disparition rapide si nous continuons sur cette pente funeste.

Même si, selon sa formule, « nous sommes comme des gouttes d'eau qui s'interrogent sur la nature de l'océan », il n'est pas inutile d'étudier notre place dans l'univers. Nous autres, « poussières d'étoiles », ne sommes pas dispensés de faire le ménage dans nos têtes pour réaliser d'où nous venons et surtout où nous voulons aller. Avec un sens aigu de la vulgarisation, Nathalie Cabrol réfléchit à cet avenir, notamment à travers les perspectives de la technologie et de l'intelligence artificielle. Si la dimension temporelle semble bien loin de nos vies quotidiennes − la Terre a 4,5 milliards d'années −, elle rappelle après Paul Valéry que les civilisations sont mortelles et que les engagements d'aujourd'hui feront les situations de demain, vivables ou non.

Dans ce voyage neuronal pour « reprendre notre place au cœur de l'expérience et devenir ce que nous cherchons à comprendre », elle cite deux fois cette formule du psychologue Nigel Nicholson : « Vous pouvez extraire la personne de l'âge de pierre, mais vous ne pouvez pas extraire l'âge de pierre dans la personne. » Autrement dit, notre comportement évolutif serait inscrit dans notre passé, génétiquement. Cela expliquerait bien des catastrophes du passé, mais cela n'empêche pas de vouloir y remédier. « Toute modification de l'environnement modifie la vie », martèle Nathalie Cabrol et c'est l'activité humaine qui a changé le climat.

« Je pars d'un point et je vais le plus loin possible », disait John Coltrane à propos de sa démarche musicale. Nathalie Cabrol fait de même en science à travers ses expériences de pensée. Jusqu'où cette ère de l'anthropocène peut-elle nous entraîner ? Quels sont les scénarios envisagés ? Inséparables répond à toutes ces questions avec sérieux, sans moraliser, mais sans mettre les responsabilités sous le tapis. Reprendre place au cœur de l'expérience humaine, refaire corps avec la nature au lieu de vouloir la dompter. Ce n'est pas parce que nous savons que la vie s'éteindra dans un peu moins de trois milliards d'années qu'il faut précipiter le mouvement. Comment un monde habitable devient une planète vivante reste un mystère. Raison de plus pour refaire de la Terre notre principale destination.