"Le monde réside dans l’œil de celui qui regarde." Le regard d’Audur Ava Olafsdóttir est intensément rivé vers le paysage islandais qui l’a vu naître. Une nature dont la beauté sauvage est orchestrée par la puissance des saisons. Celle de la rhubarbe anime particulièrement les habitants de l’île, qui aiment abriter leurs amours entre ses tiges. Ainsi fut conçue Agústína, une enfant pas comme les autres, éternellement accompagnée par le cliquetis de ses béquilles. Mais l’héroïne obstinée est dotée d’un tempérament de battante.
Nína l’a prise sous son aile. Cette célibataire bienveillante est la reine des confitures et du boudin. Autre figure marquante, le brave Vermundur, bricoleur susceptible de tout réparer, sauf cette petite à laquelle il semble si attaché. A force de voir cet homme fabriquer des elfes pour les touristes, Agústína rêve de s’envoler. Elle le fait en pensée grâce au courrier de sa mère, une chercheuse passionnée partie en mission dans la jungle. Chaque lettre contient une bouffée d’amour et de philosophie inestimable : "Le seul vrai voyage consiste à surmonter ses propres obstacles…" Une belle leçon pour sa fille qui doit surmonter son "défaut de fabrication".
Une dissertation scolaire confronte l’adolescente à "ce qu’elle ambitionne dans la vie". Agústína réalise soudain qu’elle a une envie d’infini. Cette vue d’ensemble ne peut se faire qu’à partir du sommet de l’île, situé à 844 mètres d’altitude. Une folie pour une jeune fille privée de pieds ? Rien, ou presque, n’est impossible, lui assure Salómon, un garçon qui lui ouvre les yeux sur d’autres cieux.
Audur Ava Olafsdóttir nous avait séduits avec Rosa candida, vendu dans de nombreux pays. Ce premier roman enfin traduit confirme déjà une écriture pleine de féerie, qui célèbre les défis, l’éveil à la féminité et l’ascension vers notre beauté intérieure. K. E.