Paul Yoon, 34 ans, appartient à cette génération d’auteurs anglophones qui puisent dans une double culture : en l’occurrence, avec Autrefois le rivage, premier titre de son auteur traduit en français, dans la tradition littéraire de la shortstory à l’américaine au service d’histoires situées au sud de la péninsule de Corée dont la famille de ce jeune écrivain épatant est originaire. Ce métissage donne ici huit nouvelles à la séduction aussi discrète que tenace, qui traversent plus d’un demi-siècle d’histoire, un passé de guerres, d’occupation militaire, japonaise puis américaine, et qui mettent en scène les habitants d’une île où cohabitent modernité touristique et routines ancestrales. Les personnages subissent les conséquences de grandes tragédies dont l’épicentre est parfois loin, dans l’espace ou dans le temps, mais l’onde de leur déflagration continue de se propager silencieusement. Paul Yoon peint ces vies contraintes et patientes, des élans étouffés, des actes qui pour être presque invisibles n’en sont pas moins forts. Et installe des images saisissantes de calme infusé, de douceur et de dureté. Celle de ce couple de fermiers partis sur un chalutier à la recherche de leur fils marin, finissant par ramer sur une planche de bois au milieu de corps qui flottent. Cette vieille plongeuse, pêcheuse en apnée, qui veille sur un jeune garçon dont le bras a été emporté par un requin. Ou celle d’une vendeuse de souvenirs, seule avec son père âgé, qui voit réapparaître un garçon parti depuis longtemps. "Enfant, il essayait de saisir la brume qui voilait le port, convaincu de pouvoir y arriver. Il y plongeait la main, et quand il refermait les doigts, il lui semblait tenir des plumes dans son poing serré." Véronique Rossignol
