Médiathèque : les 7 clés du tiers-lieu

Atelier kiné, à la médiathèque de Saint-Aubin-du-Pavail (Ille-et-Vilaine). - Photo Gildas Carrillo

Médiathèque : les 7 clés du tiers-lieu

De plus en plus de bibliothèques tentent de devenir des tiers-lieux, mais tâtent encore le terrain. Plus qu'un aménagement convivial des espaces, il s'agit de créer des dynamiques humaines. Plus facile à dire qu'à faire, souvent pour des raisons politiques. Guide pratique pour y voir plus clair.

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Par Par Fanny Guyomard
Créé le 07.03.2023 à 17h00

C'est la mode : la médiathèque tiers-lieu, qui offre un cadre propice aux débats et échanges. « On ressent qu'on est dans un tiers-lieu à l'ambiance, à la liberté accordée aux gens, qui s'approprient alors l'endroit », décrit Gildas Carrillo, responsable de la médiathèque de Saint-Aubin-du-Pavail, à Châteaugiron (Ille-et-Vilaine).

1. Répondre à un besoin

Ses défenseurs le répètent : toutes les bibliothèques n'ont pas à être un tiers-lieu. Reste que les valeurs de ces derniers rejoignent celles prônées par l'Agenda 2030 de l'ONU (l'équité sociale, le collaboratif, la résilience) et qu'ils suivent l'évolution des usages, remarque le directeur des bibliothèques universitaires (BU) de Nantes, Yann Marchand : « Le papier recule, les étudiants lisent surtout en format numérique, et ils demandent plus de lieux de vie et de liberté. »

2. Aller au-delà du cocoon

L'ambiance simple et chaleureuse d'un tiers-lieu n'est qu'un moyen pour inviter les usagers à se l'approprier facilement. Ce qui fait tiers-lieu, c'est la collaboration. « Je vois dans les petits villages de montagne des bibliothèques qui sont des tiers-lieux, sans se coller cette étiquette. Il y a une seule professionnelle pour tenir sa bibliothèque, donc elle n'a pas le choix de travailler avec les habitants et de leur dire : faites ce que vous voulez. C'est pragmatique et ça marche », défend Aurélie Bertrand, conceptrice de La Bulle, à Annemasse (Haute-Savoie). « Une fois que les gens se sentent à l'aise, ils font des propositions de toutes sortes. Aujourd'hui, les ateliers sont quasiment tous proposés et animés par des habitants de l'intercommunalité. Moi, je fais juste tourner la baraque », rejoint Gildas Carrillo.

3. Mélanger les genres

Le tiers-lieu, c'est l'art de l'hybridation et de la mixité. « Pourquoi pas proposer de cuisiner ou de faire du sport ? Le lieu peut avoir autant d'usages que de besoins », avance Aurélie Bertrand. Mais ce désir d'hybridation (avoir une médiathèque-café par exemple) doit émaner des habitants, au risque sinon de créer deux espaces qui ne font que cohabiter.

4. Lâcher du pouvoir aux usagers

Le tiers-lieu consiste non seulement à « faire avec » mais « décider avec » la population. La Bulle a ainsi été conçue pour que la gouvernance soit partagée à parts égales par les élus, l'équipe de la médiathèque et toute personne intéressée par le projet. Et pas seulement les habitants de la commune, ce qui impliquerait de devoir présenter un justificatif de domicile donc de freiner nombre d'entre eux. Mais il faut être prêt à « lâcher du pouvoir aux usagers », souligne Mathilde Servet, qui a écrit un mémoire sur le sujet, à l'Enssib, en 2009. « Or, c'est difficile pour les élus d'accepter qu'on décide des choses davantage à l'horizontal. Une fois qu'il faut passer à l'action, il arrive que des projets avortent. »

5. Être vraiment participatif

Là aussi ça coince, signale Aurélie Bertrand : « On veut trop souvent penser à la place de l'usager. Or, pour qu'une activité marche, il faut que la proposition vienne des gens et que l'on soit ouverts à des activités inhabituelles. Quand la personne vient, la réponse du bibliothécaire doit être donnée dans la demi-heure et c'est la personne qui doit décider du créneau qui l'arrange. Tant pis si ce n'est pas le moment optimal, qu'il n'y a que trois participants. Trois, c'est déjà bien. »

« Faire du participatif, c'est sexy, mais cela implique pas mal de bouleversements dans la façon de travailler », synthétise Nicolas Beudon, le concepteur de la médiathèque des 7 lieux à Bayeux (Calvados).

6. Créer un tiers-lieu pérenne

Vouloir en créer un, c'est déjà tordre le projet. Selon Aurélie Bertrand, « une erreur est de dire, "tiens, ce serait sympa d'avoir notre tiers-lieu" et de construire un bel endroit avec des personnes qu'on est allé chercher et qui ne sont pas représentatives de la population. Ce sera une structure lambda avec un peu de participatif mais qui ne va pas durer. »

« Les tiers-lieux qui marchent s'appuient sur des communautés existantes, ajoute Mathilde Servet. On doit être une place de village, publique, neutre et accueillante et laisser venir d'autres professionnels à soi. » « Sans exclure le privé. Il faut qu'on travaille davantage en transversalité », complète Gildas Carrillo. Et sans marcher sur les plates-bandes des éventuels partenaires. « Parfois, des bibliothécaires proposent des ateliers cuisine et couture qui existent déjà sur leur territoire, au service jeunesse de la ville par exemple, donc cela peut générer des frictions avec ces acteurs », interpelle Nicolas Beudon.

7. Garder le lien avec la communauté

Le bibliothécaire a un rôle de facilitateur et de catalyseur de l'intelligence collective. « Ce qui fonctionne pour les tiers-lieux, c'est d'être en poste depuis longtemps, pour obtenir la confiance de la population et de nos partenaires. Mais dans la fonction publique, on nous incite souvent à bouger », remarque le responsable de la médiathèque de Saint-Aubin-du-Pavail. Il faut sinon accepter que le tiers-lieu soit éphémère, conclut Aurélie Bertrand. « Le tout, c'est que ce soit utile. »

Mathilde Servet, coordinatrice du groupe "Médiathèques" au Conseil national des tiers-lieux

Mathilde Servet, coordinatrice du groupe "Médiathèques" au Conseil national des tiers-lieux

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