Événement devenu incontournable, la Fête de la librairie indépendante se tiendra, le samedi 26 avril, dans plus de 650 librairies de France, du Luxembourg, mais aussi de Suisse et de Belgique francophones. Depuis 1998, cette journée permet de rendre hommage au travail des libraires, et de faire découvrir au grand public la richesse et la diversité du maillage francophone. Pour Livres Hebdo, Marie-Rose Guarnieri, présidente de l’association Verbes à l’origine de la manifestation, revient sur les ambitions de ces festivités qui se déploient, cette année, sur le thème des fantômes.
Livres Hebdo : La Fête de la librairie indépendante célèbre sa 27e édition. Continue-t-elle toujours de trouver un écho auprès des libraires et du public ?
Marie-Rose Guarnieri : Du côté du public, il s’agit d’une journée identifiée et appréciée, pour laquelle beaucoup de monde se déplace. Pour ce qui est des librairies, chaque commerce qui a déjà participé et que nous contactons renouvelle sa participation. Je pense que les librairies nous restent fidèles en raison des valeurs que nous portons et pour la façon singulière, étonnante, que nous avons de parler du métier et de lui rendre hommage. Chaque librairie a d’ailleurs la liberté de décliner l’événement comme elle l’entend, que ce soit en organisant des rencontres, des lectures ou en habillant sa vitrine. La fête de la librairie est aussi une belle occasion pour les libraires d’échanger avec leur clientèle, qui profite généralement de l’occasion pour les remercier et saluer leur travail.
Cette année, la Fête de la librairie indépendante se déroulera sur le thème des fantômes. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce motif ?
L’objectif de cette journée est de rassembler de façon festive les librairies indépendantes, mais aussi de faire découvrir aux lecteurs la diversité et la vitalité de la librairie. Elle est une grande chance pour la vie du livre et pour la création. La manifestation permet aussi de rassembler tous les libraires, dont ceux qui peuvent être particulièrement isolés, en une grande confrérie du livre. Il s’agit aussi de montrer l’invisible de notre profession et de la montrer autrement que sous le prisme des difficultés qu’elle traverse. Pourquoi la librairie n’est pas un commerce comme les autres ? Où les libraires puisent-ils leur endurance ? En réalité, les libraires sont aussi des chefs d’entreprise, possèdent une véritable expertise et sont, en quelque sorte, à la lisière des vivants et des morts, en continuant à porter des auteurs et des poètes disparus. Et lorsque l’on éteint les lumières de notre commerce, qu’on en ferme la porte à clés, les auteurs continuent de vivre sur les étagères.
Un ouvrage, cinq variations
Et vous, quel est votre écrivain-fantôme ?
Il y en a tant ! Je pense à Marguerite Duras, Jack London, Thomas Bernhard, Roberto Bolaño, mais aussi à Jacques Prévert et à Boris Vian qui habitaient, tout comme ma librairie, le quartier de Montmartre. Je pense souvent à eux, en m’interrogeant : quelle librairie auraient-ils voulue s’ils étaient encore là ? Je suis convaincue que nos auteurs fétiches continuent de nous inspirer, et guident même certains de nos choix.
Cette année, vous annoncez offrir cinq livres. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Il s’agit en fait d’un livre à plusieurs entrées. L’idée de parler de fantômes me trotte dans la tête depuis longtemps, mais je ne voulais pas en parler de façon linéaire, je voulais décloisonner le livre. J’ai donc imaginé cinq variations glissées dans une enveloppe titrée “Esprit, es-tu là ?”. C’est un travail long de huit mois qui sera tiré à 26 000 exemplaires et distribué gratuitement par les librairies à leurs clients. D’abord, il y a une compilation de photographies de la librairie de nuit, par le directeur artistique Vahram Muratyan, qui a constitué plusieurs constellations sur différents thèmes et courants comme les romantiques, la route, le surréalisme ou les combattantes.
Ensuite, Claire Morel, grande spécialiste des détails, a recensé la présence fantomatique des dédicaces d’écrivains dans un recueil dédié. L’auteur, acteur et metteur en scène Gabriel Dufray a, de son côté, rendu hommage au grand et sensible poète Robert Desnos, qui a beaucoup parlé des fantômes - je pense notamment à J’ai tant rêvé de toi -, jusqu’à en devenir un lui-même. Nous avons également sollicité l’essayiste suisse Daniel Sangsue, qui nous raconte une petite histoire des fantômes dans la littérature du XIXe siècle, à travers des auteurs comme Oscar Wilde, Charles Baudelaire ou Chateaubriand, qui ont tous convoqué la figure du fantôme dans leurs écrits. Enfin, Antoine Ginésy propose un recueil de cartes postales des plaques commémoratives d’écrivains, afin de convoquer l’imaginaire des lecteurs.