Et si l’on voyait, enfin, le bout du tunnel ? Avec des ventes au détail en tassement de 0,5 % en euros courants (- 0,9 % en volume, compte tenu de l’indice Insee des prix du livre) d’après nos données Livres Hebdo/I+C, le marché du livre s’est encore légèrement resserré en 2014 pour la cinquième année consécutive. Mais, après les reculs successifs de 1,5 % en 2012 et 1 % en 2013, ce bilan traduit un lent renversement de tendance, d’autant que le milieu de l’année 2014 a marqué une nette rupture. Au premier semestre, si l’on excepte un timide rebond en mai, les ventes de livres ont reflué chaque mois. L’activité a chuté de 4 % au premier trimestre et de 1,5 % au deuxième. Au contraire, au second semestre, tous les mois, sauf novembre, se sont inscrits en positif. Mieux orienté dès juillet, le marché s’est relevé au total de 2,5 % pendant l’été avant de se stabiliser (0 %) au quatrième trimestre. Parallèlement, alors qu’elle avait plongé pendant tout l’hiver et le printemps, la tendance annuelle du marché du livre est repassée en fin d’année 2014 au-dessus de la moyenne de l’ensemble du commerce de détail, tous produits confondus, qui s’inscrit, elle, à - 0,9 % en 2014.
Ressaisissement
Ce léger redressement est d’abord le produit, avec une très faible hausse des prix publics (voir graphique p. 22), d’un ressaisissement dans les librairies. Avec un modeste + 0,5 % (mais + 3 % en décembre), le 1er niveau s’impose en 2014 comme le circuit de vente le plus performant sur le marché du livre (1). Et les librairies de 2e niveau elles-mêmes parviennent à s’extraire d’une spirale qui paraissait inexorablement dépressive (+ 0,3 %). Les mesures de soutien décidées l’année précédente par l’ex-ministre de la Culture Aurélie Filippetti ont joué leur rôle en donnant de l’air à la trésorerie et en stimulant les investissements des libraires. Mais ce retour des consommateurs en librairie est aussi la résultante d’une dégradation de l’image d’Amazon. Une partie des acheteurs de livres n’apprécient pas les stratégies de contournement fiscal (voir à ce sujet notre article p. 23), voire les pratiques sociales du leader de l’e-commerce du livre. Elle prend conscience de l’enjeu de la préservation d’un tissu dense et diversifié de librairies indépendantes, qui se trouve par ailleurs renforcé par le jeu des reprises et des rachats de librairies provoqué par la faillite de la chaîne Chapitre.
Pour sa part, le circuit des grandes surfaces culturelles, qui s’affichait à - 5,5 % un an plus tôt, a désormais digéré le contrecoup de la faillite de Virgin, et son bilan annuel 2014 (+ 0,3 %) se trouve amélioré par l’intégration de ses performances dans la vente en ligne, plus dynamique que les magasins "en dur". Au final, ce sont les mauvais résultats récurrents du livre en hypermarché (- 4,3 % l’an dernier), liés à des choix de centralisation des achats, de réduction des assortiments et de désinvestissement, qui tirent désormais à eux tout le marché du livre vers le bas. Il faut remonter à 2009 pour trouver une année positive dans la grande distribution, et encore succédait-elle à une année 2008 elle aussi négative.
Hausse de la fréquentation
Au rang des déceptions, on peut aussi classer la faiblesse persistante du panier moyen d’achat, qui plafonne sous les 18 euros, mais également une nouvelle hausse du taux moyen de retour, à plus de 27 % contre 26 % en 2013, voire l’alourdissement des stocks, à plus de 85 jours de vente en moyenne. En revanche, la fréquentation des points de vente de livres, toujours en baisse au premier semestre, s’est sensiblement relevée au second. La trésorerie des détaillants a connu la même évolution.
Seul rayon en progression en 2013 (+ 0,5 % en euros courants), la jeunesse confirme en 2014 son rôle de locomotive du marché du livre avec une hausse d’activité remarquable (+ 3,5 %), devant le poche et les essais et documents, soutenus par le succès de Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler (2). A l’exception du beau livre, toujours en retrait, les secteurs du livre de loisir demeurent les plus dynamiques. La littérature, mais aussi le parascolaire, se situe dans la moyenne du marché tandis que, à - 1 %, la bande dessinée subit le contrecoup du succès d’Astérix, avec quelque 2 millions d’exemplaires vendus, en 2013. A contrario, les secteurs universitaire, professionnel et de la référence, plus concurrencés par les nouveaux services en ligne, restent à la traîne.
Toujours plus de nouveautés
En dépit de cinq années consécutives de resserrement du marché, la production en titres continue d’augmenter. D’après nos données provisoires Livres Hebdo/Electre (le bilan définitif sera connu d’ici à quelques jours), elle se situerait en 2014 à 68 161 nouveautés et nouvelles éditions, en hausse de 2,5 % par rapport à 2013. En 2009, dernière année où le marché du livre s’est inscrit en croissance, le nombre de nouveaux titres n’était "que" de 63 690.
En 2014, commémorations (centenaire de la Grande Guerre ; 70 ans du Débarquement en Normandie) obligent, la production augmente particulièrement en histoire. De fortes hausses touchent aussi la psychologie populaire et le développement personnel, la santé, les loisirs créatifs, les arts graphiques, les activités et jeux pour la jeunesse, la politique, la religion et les langues étrangères. En baisse, l’informatique, la psychologie et la psychanalyse, les livres d’art et le tourisme.
(1) Rappel : depuis septembre, il n’est plus possible d’isoler le commerce en ligne, dont l’activité est intégrée dans celle de chaque circuit (grandes surfaces culturelles, librairies…). Voir "Baromètres : liberté, égalité, opacité", LH 1016, du 31.10.2014, p. 22.
(2) Voir notre bilan des meilleures ventes de livres en 2014 dans LH 1026, du 23.1.2015, p. 16-32.