Comme elle, ses héroïnes ont la bougeotte. Piégée (Métailié, 2017), le premier roman paru en France et traduit en huit langues de l'Islandaise Lilja Sigurðardóttir, se déroulait dans l'aéroport de Keflavík, principale porte d'entrée et de sortie aérienne de l'île. Dans sa nouvelle série, avec l'enquêtrice financière Aurora pour protagoniste, on enjambe littéralement la mer. Aurora, Islandaise basée à Glasgow, rentre au pays, à la recherche de sa sœur disparue - « ce qui s'inspire de la longue liste des personnes qui se volatilisent ici dans la nature », nous éclaire l'autrice, au téléphone depuis sa maison de Kópavogur.
Lilja Sigurðardóttir est une insulaire, une vraie, mais elle a grandi au fil des pérégrinations nécessaires aux recherches de son père historien, sur Christophe Colomb et la révolution mexicaine. Une enfance nomade, donc. La famille partait vivre en Suède, au Mexique, aux États-Unis, en Espagne, revenant chaque fois entre-temps en Islande. Elle en a conservé, dit-elle, « le goût des retrouvailles avec son pays », mais aussi conçue « l'idée du temps qui passe sur un monde qu'on a longtemps quitté ». Cette jeunesse comme une balle de ping-pong lui a permis d'étudier à Coventry, en Angleterre, d'être diplômée dans l'enseignement supérieur, de maîtriser plusieurs langues. Mais qu'en est-il de l'écriture ? « J'ai retrouvé mes premiers textes dans une valise, à l'époque où je vivais à Mexico, vers l'âge de 9 ou 10 ans : j'inventais des histoires fabuleuses avec des animaux qui parlent... Mais la suite ne serait jamais arrivée sans une annonce parue dans le journal. » L'annonce, c'est celle que passe la maison d'édition Bjartur pour un concours d'écriture : « Nous cherchons le nouveau Dan Brown. » « Je suis le nouveau Dan Brown ! », affirme-t-elle avant d'expédier son manuscrit. Elle n'est pas la seule. Ragnar Jónasson, aujourd'hui auteur de best-sellers traduits chez La Martinière, postule également. « Le problème, c'est que le concours a été lancé au début du printemps 2008. Juste avant que n'éclate la bulle spéculative en Islande », poursuit l'écrivaine. En quelques mois, le pays et ses habitants sont ruinés. L'effondrement est total. Les destins de Ragnar et Lilja s'entremêlent à nouveau. Leurs deux textes sont retenus et publiés en 2009 mais le concours, faute d'argent, a été annulé... « Moralité, nous ne savons toujours pas qui, de Ragnar ou moi, est le nouveau Dan Brown ! », s'amuse-t-elle.
Depuis, Lilja s'est installée dans une petite communauté d'artistes près de la capitale. Elle divise son année en deux temps : promotion internationale l'hiver, à demeure l'été pour écrire, fière de vivre pratiquement en autarcie avec ses deux serres, son poulailler chauffé et les truites qu'elle pêche dans le lac. Son enquêtrice Aurora, archétype de la femme du Nord, une walkyrie, comme elle, « assez costaude pour tenir en respect les hommes les plus bourrus », est là pour mettre à l'heure les pendules d'une société qui se croit protégée par le modèle nordique et « refuse sa part d'ombre ». Dans ce volume, il s'agit de trafic humain. Mais la vraie vocation de Lilja, avec ses livres, c'est de divertir. Visiblement, elle n'a pas tout à fait renoncé à être « le nouveau Dan Brown ».
Noir comme la neige
Métailié
Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 22 € ; 304 p.
ISBN: 9791022614344