- Philippe Claudel. J'avais adoré Les âmes grises (Stock, 2003). Philippe a un sens de l'intrigue qui m'a rappelé Julien Green, cette complexité de la structure, la profondeur dans les descriptions des personnages, leur humanité. J'avais vu dans son écriture beaucoup d'images, je savais qu'il écrirait génialement un scénario. Et je lui ai donc demandé s'il accepterait d'écrire un film pour moi, un film de femmes avec deux actrices. Je lui ai passé commande presque en lui disant : « vous êtes fait pour le cinéma ». Il a imaginé le scénario qu'il a voulu. [Il y a longtemps que je t'aime, 2008, César du meilleur premier film pour lui et César de la meilleure actrice dans un second rôle pour elle]. J'ai lu son dernier livre, Wanted (Stock, 2025), une sorte de parodie dystopique. Pourtant quand on voit les images sur les chaînes info, on n'est pas très loin d'une certaine vérité. Il raconte la folie que l'on voit sur les visages de Musk, Poutine ou Trump.
- Stefan Zweig. L'éditeur Jean-Marc Roberts savait que j'adorais Stefan Zweig et il m'a demandé d'écrire une préface de Lettre d'une inconnue (Stock, 2009). J'ai écrit la préface en une heure, c'était une telle évidence pour moi de parler de l'amour obsessionnel, de ce personnage de femme qui vacille. Zweig, comme son ami Schnitzler, sait composer des personnages féminins exceptionnels, qui cherchent leur vérité, elles semblent en perdition, désaxées, prêtes à prendre du véronal. Et pourtant Zweig parle aussi de lutte des classes, d'histoire. Le monde d'hier est un livre merveilleux. Le regard lucide d'un homme désespéré par ce qui se passe en Europe. C'est malheureusement très actuel, visionnaire même. Il me fait rêver, je me plonge dans ses livres et j'ai envie de tout jouer. J'ai d'ailleurs interprété Lotte, sa femme, dans Les derniers jours de Stefan Zweig de Laurent Seksik. Je voulais prendre les droits de son livre. Et il m'a proposé d'écrire lui-même la pièce et ce rôle pour moi. Lotte est la dernière femme de Zweig, elle se suicide avec lui à Petrópolis, au Brésil. Une femme qui aime à en crever, qui le suit au bout du monde par amour. J'adore jouer des grandes amoureuses, même si ce rôle m'a entamée profondément.
- Marcelle Sauvageot. En 2009, j'ai également écrit une préface à Laissez-moi de Marcelle Sauvageot, à la demande de Blandine de Caunes des éditions Phébus, qui avait lu mon texte sur Zweig. Elle savait que j'adorais ce texte, je l'avais joué au Théâtre des Bouffes du Nord. C'est l'histoire d'une femme qui vient d'être quittée par un homme, qui part dans un sanatorium et répond à sa lettre de rupture. Elle en fait un manifeste, elle critique les hommes avec lucidité et en même temps, elle les déifie. Ce texte est d'une humanité et d'une universalité extraordinaire.
- Hélène Berr. Je recommande peu de lectures mais je conseillerais le Journal d'Hélène Berr, qui est absolument merveilleux. C'est une jeune fille qui vit dans le VIIe arrondissement de Paris. Juive, elle sera déportée à Drancy puis à Bergen-Belsen, dont elle ne reviendra pas. C'était un texte coup de cœur [Journal a été publié par Tallandier en 2008 et préfacé par Patrick Modiano]. Les périodes de chaos sont propices aux personnages forts : les avant-guerres, les guerres. C'est horrible à dire, mais c'est passionnant à lire ou à jouer. Elle ne veut pas croire à ce qui va se passer. C'est d'une grande gravité et d'une grande maturité, mais aussi d'une modernité et d'une fraîcheur hallucinante.
- Gaëlle Nohant. Parmi les romans plus contemporains, j'ai beaucoup aimé Le bureau d'éclaircissement des destins (Grasset, 2023), où il est encore question de la guerre. C'est l'histoire d'une jeune femme qui va travailler en Allemagne dans un institut consacré aux biens juifs spoliés pendant la guerre. Un personnage qui semble un peu fragile, mais qui, face au chaos, va trouver sa force. Là encore c'est un texte que j'aimerais faire adapter. Je pourrais aussi citer Valérie Perrin, ma copine que j'adore. Il y a une telle lumière chez elle et dans ce qu'elle écrit. Et aussi Florence Seyvos, Vanessa Schneider ou Maria Pourchet, dont j'ai hâte de lire les nouveaux livres. Je n'arrive pas à lire quand je suis à Paris. Je lis dans le train, en avion, en vacances. Vivement Noël, que je me rattrape !
