Les éditions nantaises Rouquemoute changent de cap et lance l'opération « Rouquemoute touche le fonds ». Un an après avoir alerté sur sa situation critique, la maison d’édition de BD a annoncé dans un communiqué le 16 septembre une pause dans ses publications jusqu’en 2026. L’objectif : se donner de l’air en transformant des stocks existants en recettes et réduire les risques liés à la surproduction.
Créé en 2016, Rouquemoute avait déjà annoncé à l’automne 2024 être au bord de l’asphyxie : trésorerie vide, dettes accumulées et effectifs réduits de quatre à un et demi en un an. L’appel à soutien avait permis d’apurer une partie des dettes, de rassurer les banques et de financer quelques nouveautés, dont Schlag - Montesorry de Ladyboy, paru en septembre dernier. Mais l’équilibre reste précaire.
Mettre le fonds en avant
Face à une production annuelle de plus de 6 000 nouveautés BD, rendant la visibilité très difficile pour les petites structures, l’éditeur a choisi de « toucher le fonds » : ne plus publier de nouveautés jusqu’en 2026 pour se concentrer sur une sélection d’ouvrages déjà parus, en partenariat avec le diffuseur-distributeur BLDD Images.
Parmi les titres mis en avant figure Renaud derrière le rideau de Gaston, reportage dessiné sur la dernière tournée du chanteur, qui célèbre ses 50 ans de carrière.
L’éditeur tient d'ailleurs à préciser que l'absence de certains titres dans cette sélection n'est dû qu'à un manque de stocks. Il rappelle également que ces ouvrages restent disponibles à la commande pour les libraires et sur la boutique en ligne. C’est notamment le cas de la trilogie Michel de La Teigne, de Hiroshiman, de Zozo le clown de Besseron (Prix Schlingo 2024 au FIBD d’Angoulême) ou de la collection Bandes Dessinées à Poster.
Attirer l'attention des libraires
L’opération vise entre autres à attirer l’attention des libraires. Comme l’explique Maël Nonet, fondateur de Rouquemoute interrogé par Livres Hebdo : « Nous avons un stock dormant qui représente de l’argent immobilisé. Cette trêve des nouveautés, c’est tout faire pour essayer de vendre notre fonds et garder une présence en librairie au second semestre. »
Pour soutenir cette démarche, Maël Nonet et son assistante d'édition Elaine Cordon ont mobilisé plusieurs leviers : « Avec Elaine, nous avons fait appel à nos auteurs pour réaliser de petites vidéos de promotion. Elles sont disponibles pour les libraires sur le bon de commande. »
En lutte depuis 2024, l’éditeur s’émeut d'ailleurs de la compassion de ses lecteurs : « Je tiens de nombreux stands en festival et cette relation privilégiée avec les lecteurs est hyper riche. Ils sont compatissants et deviennent nos ambassadeurs auprès des libraires. »
Diversification et merchandising
En parallèle, la maison tente de diversifier ses revenus. Sur sa boutique en ligne (merch.rqmt.fr), elle propose désormais une gamme de produits dérivés, tels que badges et t-shirts. Maël Nonet se réjouit déjà des premières ventes sur le site, deux jours seulement après le lancement de l’opération.
La démarche de Rouquemoute s’inscrit dans un contexte plus large de difficultés pour les éditeurs indépendants, à l’image de Ça et Là ou Les Requins Marteaux, qui dénoncent également la surproduction et l’érosion des ventes.
Entre baisse du pouvoir d’achat, inflation et essoufflement du marché, l’avenir reste incertain pour Rouquemoute. Mais l’éditeur espère que cette stratégie, combinée à la fidélité de ses lecteurs et à la solidarité des libraires, permettra de maintenir la maison à flot jusqu’à son 10e anniversaire, en 2026.