Bande dessinée

Les éditions Rouquemoute lancent un appel à soutien

De gauche à droite, Pauline Pesme, assistante d'édition, Maël Nonet, gérant et éditeur et Lucile Allanos, à l'administration et aux finances. - Photo Editions Rouquemoute

Les éditions Rouquemoute lancent un appel à soutien

Touchée par l’inflation et la surproduction éditoriale, la maison d’édition indépendante nantaise sollicite le soutien de ses lecteurs, des libraires et des festivals, dans l’espoir de fêter son 10e anniversaire en 2026.

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Par Elodie Carreira
Créé le 02.10.2024 à 10h25 ,
Mis à jour le 02.10.2024 à 20h38

« Mourir ? Plutôt crever ! », s’insurgent les éditions Rouquemoute. La maison d’édition indépendante nantaise peine à maintenir la tête hors de l’eau. Créée en 2016 et spécialisée dans le champ de l’humour, elle a donc lancé, mardi 1ᵉʳ octobre, un appel à soutien en direction de ses lecteurs, des libraires et des festivals.

« La situation économique de la maison est mauvaise au point que tenir bon jusqu’en 2026, année des 10 ans, paraît improbable. Les caisses sont vides, la trésorerie nous fait constamment défaut, nous nous endettons pour pallier l’urgence », a indiqué son gérant, Maël Nonet, qui pointe du doigt l’impact de l’inflation sur les ventes.

« Nous n’avons jamais vendu autant de titres à petits prix »

« C’est un constat de terrain que je fais là. L’inflation a grandement impacté le pouvoir d’achat de nos lecteurs. En festival, nous n’avons jamais vendu autant de titres à petits prix » détaille le patron de la maison. Outre son modèle économique basé sur l’ouverture de préventes via sa boutique en ligne, la maison d'édition Rouquemoute propose en effet, pour lutter contre le phénomène du pilon, une remise de -60% sur les titres dont la commercialisation s’est arrêtée.

Une initiative qui n’a pas su freiner la dégradation économique de la maison, dont la surproduction éditoriale est aussi tenue pour responsable. « La situation était déjà préoccupante avant le Covid, avec 3 000 nouveautés BD par an. Cette année, nous en sommes à environ 6 000. C’est alors d’autant plus difficile, pour une petite structure comme la nôtre, de trouver une place en librairie. Mais c’est aussi une situation absurde : les libraires s’y perdent et les librairies ne grandissent pas pour accueillir ces nouveautés », déplore Maël Nonet.

« En ce moment, rares sont les éditeurs indépendants qui fanfaronnent »

L’éditeur note également un « effritement des ventes », dû à un nombre insuffisant de réassorts et de mises en place plus faibles, alors que celles-ci bénéficiaient jusque-là du succès des préventes. « En ce moment, rares sont les éditeurs indépendants qui fanfaronnent. D’ailleurs, les librairies aussi tirent la sonnette d’alarme », alerte-t-il.

Soulcié
Dessin de Thibaut Soulcié, auteur de la série "Les Supères" avec Jorge Bernstein, en soutien à la maison d'édition,- Photo EDITIONS ROUQUEMOUTE

Passée, en un an, de quatre salariés à un et demi, la maison, diffusée et distribuée par Les Belles Lettres, est désormais sous l’eau. « Nous cumulons plusieurs fonctions pour un même poste. Nous essayons de survivre, mais nous manquons de moyens et nous ne bénéficions pas de subventions au fonctionnement ». Pour se maintenir à flot, les éditions Rouquemoute sont donc contraintes, en dépit de leurs convictions et de leur marge de manœuvre financière, de maintenir les créations éditoriales.

Stimuler la création éditoriale pour survivre

Pour la plupart d’entre elles, le coût a été épongé par le prêt de trésorerie fourni par le Crédit Coopératif, obtenu après que l’album Zozo clown de Besseron a été couronné du prix Schlingo lors du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Ainsi, la collection « Résilience » - qui invite à « rire pour survivre » - a pu voir le jour début septembre avec deux titres : Sept ans et neuf mois de Coline Veith et Ma zone d’inconfort d’Eldiablo, le cocréateur des séries Lascars et Les Kassos.

D’autres nouveautés, à l’instar de Renaud derrière le rideau de Gaston, Objectif Con de Klub, Hellfest Metal Space, ont également émergé, tandis que la collection des Bandes dessinées à poster (BDàP) connaît 15 nouvelles parutions. Or, qui dit nouvelles créations, dit charge de travail supplémentaire. « Et c’est une charge qui nécessite de l’emploi, complète Maël Nonet. Finalement, le serpent se mord la queue ».

En dépit des perspectives peu engageantes, le fondateur de Rouquemoute s’évertue tout de même à rester optimiste. « J’ai le trac, je ne sais pas à quel point la maison est aimée pour être soutenue », confie-t-il. En mobilisant le lectorat, « la bienveillance » des librairies et la communauté que la maison a bâtie autour de la cinquantaine de festivals qu’elle écume chaque année, la maison d’édition espère pouvoir obtenir 50 000 euros pour renflouer sa trésorerie, et jusqu’à 100 000 euros pour faire perdurer « confortablement » son activité. Et peut-être même, fêter ses 10 ans en 2026.

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