Tous les acteurs de la chaîne du livre sont eux-mêmes confrontés aux défis du monde : catastrophe climatique imminente, montée des extrémismes, et remise en cause directe de leur activité avec les transformations permanentes et grandissantes imposées par les nouvelles technologies, passées maintenant à la gestion de données en masse et à l’intelligence artificielle : « qu’est-ce qu’un éditeur, un libraire, une bibliothèque, une foire du livre aujourd’hui ? » s’est-il interrogé.
Diversité opportune
Mais, selon Jürgen Boos, ces défis sont aussi des opportunités, de nouveaux outils à maîtriser, et d’idées à faire circuler, ce qui reste la base du métier de tous les acteurs du livre. La nature même de ces bouleversements constitue un matériau formidable à exposer, expliquer et tous doivent être actifs dans ce mouvement. « Par sa dimension internationale, l’industrie du livre représente une diversité de perspectives et d’opinions, diversité qui doit être protégée. Nous avons besoin d’auteurs qui dénoncent les injustices, qui y résistent et qui prennent les risques qui en résultent. Tout comme nous avons besoin d’éditeurs qui s’impliquent avec cette expression, trouvent des formats appropriés pour la diffuser – des éditeurs engagés, dans la qualité, la pertinence et la crédibilité » a déclaré le directeur de la foire.
La bonne tendance de l’activité de l’édition en Allemagne démontre l’adéquation de sa production avec les questionnements et les besoins du public juge Heinrich Riethmüller, président du Börsenverein, l’association des éditeurs et libraires allemands propriétaire de la manifestation. « Au cours des neuf premiers mois de l’année, le chiffre d’affaires a progressé de 2,5%, dans un volume de vente stable. La non-fiction est particulièrement dynamique, avec une progression de 9,5% » a-t-il souligné. L’année 2018 avait marqué une reprise de la croissance, après plusieurs années de repli qui avaient entrainé analyses et questionnements dans le monde du livre en Allemagne.
Droit d'auteur menacé
Francis Gurry, directeur général de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, s’est toutefois montré inquiet de la pression que font peser les grandes plateformes en ligne, en captant une part grandissante de la valeur ajoutée créée par le secteur, privant ses acteurs des moyens nécessaires à la poursuite décente de leur fonction. Ces nouveaux intervenants entreprennent ce que leur permet la technologie, sans grande considération pour le droit d’auteur, en imposant des décisions unilatérales sans chercher de compromis a-t-il dénoncé.
Invitant à ne pas sous-estimer les changements considérables en cours, il a regretté la lenteur des institutions régulatrices à répondre à ces nouveaux défis. Juriste de formation, Francis Gurry a pointé l’interrogation nouvelle que soulève la production de contenus à partir de systèmes d’intelligence artificielle, se demandant de quel champ de la propriété intellectuelle pouvait relever cette activité.
Olga superstar
Olga Tokarczuk, romancière polonaise prix Nobel de littérature en tournée de lecture en Allemagne lorsque l’académie suédoise l’a distinguée (avec l’écrivain autrichien Peter Handke), a interrompu son périple pour passer à la Foire, où elle a été accueillie comme une star à la conférence d’ouverture. Se disant « peu enthousiasmée » par le résultat des élections de dimanche en Pologne, qui a conforté la droite très conservatrice au pouvoir, elle a souhaité que son prix contribue à ouvrir les esprits dans son pays, où elle s’alarme de la tentative de prise de contrôle des institutions culturelles par le pouvoir.
« Les écrivains sont moins exposés à ce risque de contrôle, ils n’ont besoin que d’un ordinateur ou d’un crayon pour s’exprimer, mais en revanche ils ne sont pas à l’abri de l’autocensure » a-t-elle reconnu.