Jean-Baptiste Malet, qui avait publié
En Amazonie. Infiltré dans le meilleur des mondes en mai dernier chez Fayard, revient sur les conditions de travail imposées aux salariés des entrepôts d’Amazon, dans un long article à lire dans
Le Monde diplomatique de novembre. Il s’est notamment rendu en Allemagne, où le cybermarchand exploite huit centres logistiques, bientôt neuf.
"L’été la température dépasse les 40°, et les malaises sont alors très fréquents. Un jour (...) j’ai trouvé une fille allongée sur le sol qui vomissait. Son visage était bleu. J’ai vraiment cru qu’elle allait mourir" témoigne Sonia Rudolf, une ex-employée du site de Bad Hersfeld, près de Francfort.
"Le silence qu’on nous impose, ce n’est pas pour protéger des secrets industriels, auxquels nous n’avons pas accès : c’est pour taire l’extrême pénibilité de nos conditions de travail" ajoute Jens Brumma, un intérimaire, à propos de la stricte interdiction de s’exprimer signifiée aux salariés de l’entreprise.
Les milliers d’intérimaires embauchés pour faire face à l’afflux de commandes de fin d’année peuvent être logés dans des bungalows prévus pour les vacances d’été, et donc non chauffés. "Je n’ai jamais eu aussi froid de ma vie" déclare Norbert Faltin, l’un d’entre eux. Pour accélérer les cadences de travail au dernier trimestre, pendant lequel Amazon réalise 70% de son chiffre d’affaires, "les managers diffusent de la musique à plein volume dans l’entrepôt".
En Allemagne toujours, où le groupe refuse d’appliquer le salaire minimum de la convention collective de la distribution, le syndicat Ver.di commence à organiser la résistance des salariés, qui collent des milliers d’étiquettes dans les entrepôts dénonçant les atteintes au droit du travail, ou font grève, malgré les tentatives d’intimidation.
En France, la CGT a déposé plainte cet été en raison des humiliations infligées à l’un de ses représentants de l’entrepôt de Saran, le premier ouvert en France, que la direction voulait soumettre à des fouilles arbitraires après une grève. L’activité des salariés est contrôlée en permanence : "toutes leurs données de productivité sont enregistrée, centralisées à la seconde par informatique, puis envoyées à Seattle" au siège du groupe, révèle Ben Sihamdi, un ancien manager d’Amazon.