Il y a beaucoup à dire sur les belles-mères, et pas seulement des blagues. Un collectif composé majoritairement d’historiennes et dirigé par Yannick Ripa s’empare du sujet. Etymologiquement, le mot apparaît en France au Moyen Age, mais historiquement la fonction remonte à la nuit des temps. Dans la Babylone, au IIe millénaire avant J.-C., elle était un personnage à amadouer. Vue comme garante de la "paix des familles", elle s’avérait incontournable. En fait, derrière l’image de la "belle-doche" se dessine l’imaginaire masculin de la fin du XIXe siècle à la Deuxième Guerre mondiale. On la voit dans les chansons qui raillent la "peau d’chameau" chez les fantaisistes puis dans le cinéma dans l’entre-deux-guerres. Elles n’ont d’ailleurs que le second et mauvais rôle dans ces films, à part dans les navets tournés par Emile Couzinet comme son Congrès des belles-mères. Il faut attendre les années 1990-2000 pour les voir libérées et séductrices, incarnées par Catherine Deneuve ou Nathalie Baye.
De la Mésopotamie à nos jours, les contributions de cet ouvrage illustré retracent l’histoire tragi-comique de cette figure familiale dans ses dimensions sociale, culturelle, littéraire et artistique au travers des stéréotypes comme de la réalité quotidienne. Défilent les "saintes belles-mères" médiévales, les belles-mères entremetteuses dans les harems ottomans, les belles-mères florentines au Quattrocento ou les belles-mères qu’on assassine comme cette Marianne au XIXe siècle.
De fait, par belle-mère on entend rarement la mère de Monsieur dans les chansons, les sketchs ou au théâtre. Elle est toujours la mère de Madame, personnage repoussoir qui traduit à la fois la misogynie ambiante et la défiance envers un modèle conjugal bourgeois insatisfaisant. La loi sur le divorce l’entraînera vers l’oubli. Désormais les couples se forment et se déforment sans le contrôle des parents. Et les "belles-mamans" d’hier déterminent aujourd’hui librement leur place qui change avec les identités de genre et le mariage pour tous. L. L.