Né le 3 janvier 1926 à Paris, le philosophe, traducteur et commentateur de Spinoza, théoricien du bonheur qu'il appelait « le but ultime de l’existence », « le Préférable », Robert Misrahi s'en est allé dimanche 1er octobre.
Agrégé de philosophie en 1950, docteur en sciences humaines, puis professeur émérite de philosophie éthique à l'université de Paris I (Sorbonne), il était le fils d’un ouvrier tailleur juif d’origine turque. Il s'est cependant revendiqué athée le restant de sa vie. Son premier livre est La Condition réflexive de l'homme juif (Julliard, 1963). Il publiera également plusieurs articles sur les Juifs et l'antisémitisme dans la revue Les Temps modernes. Contemporain et ami de Jean-Paul Sartre, il s'intéresse comme lui à cerner ce qu'est la liberté absolue. Pour lui, il manquait à Sartre une éthique à sa philosophie de la liberté ; Misrahi la trouvera chez Spinoza.
La réciprocité comme socle de la liberté
Dans Traité du bonheur (Seuil, 1981), il utilise la construction d'un château comme métaphore de la construction de soi et y propose une éthique de la joie d'être. Il livre sa conception de la philosophie du bonheur et décrit le cheminement permettant d'atteindre la plénitude. « Il y a selon Robert Misrahi les bonheurs du quotidien, le confort matériel, mais la grande question pour lui c'est la réciprocité, à ses yeux, c'est cette discussion permanente avec l'autre qui fait le socle de la liberté », analyse celui qui fut son dernier éditeur, Jean-Luc Veyssy, directeur des éditions Le Bord de l'eau (Bordeaux).
Le philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch dirigea sa thèse, Lumière, commencement, liberté (Plon, 1969, Points, 1996), qu'il poursuivra avec les trois volumes de son Traité du bonheur (Seuil, 1981, Points, 1985, et Puf, 1987). « Robert Misrahi a construit une philosophie exigeante à distance des modes qui traversaient le champ intellectuel. On le rattache à Spinoza car il a développé ses travaux à partir notamment de sa notion de recherche absolue du bonheur », explique Jean-Luc Veyssy.
En 2011, le philosophe publie une nouvelle traduction et présentation de L'Éthique du philosophe néerlandais Spinoza au Livre de poche. Son dernier ouvrage L'Étonnant pouvoir intérieur. Pour une métaphysique du sujet (Le Bord de l'eau, 2020) est une approche philosophique du sentiment de solitude, de ses causes et des diverses façons de le surmonter par ses propres moyens. « Dans la mort tout le monde est vertueux, Robert Misrahi l'a été avant, il a été un homme d’une grande vertu morale et d’une grande générosité », conclut l'éditeur Jean-Luc Veyssy.