La France orange mécanique de Laurent Obertone, publié chez Ring, la maison créée par David Serra et Raphaël Sorin, est en train de devenir un phénomène médiatique et commercial. Publié le 17 janvier avec un premier tirage de 6 000 exemplaires et une mise en place à 2 700, il a été réimprimé plusieurs fois et atteint, selon l’éditeur, un tirage de 97 000. Il apparaît cette semaine au 5e rang du palmarès des essais
Laurent Obertone, 28 ans, diplômé de l’école supérieure de journalisme de Lille, était l’un des nombreux collaborateurs du site Ring.fr et enquêtait sur la violence quand il a parlé de son projet à David Serra. Parti du principe qu’il voulait dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, pourfendant la violence en France, en liant insécurité et immigration, et en dénonçant « l’ensauvagement de la France ». Sous prétexte d’objectivité, il égrène les pires faits divers avec complaisance et jusqu’à la nausée, mettant en scène les chiffres, les statistiques, les schémas, pour accuser les pouvoirs publics, faisant le bonheur de l’extrême droite qui s’en est promptement emparé. En le brandissant à la télévision et en s’écriant « tout est là », Marine Le Pen lui a donné un destin de best-seller.
La France orange mécanique est aussi un produit parfaitement marketé où on reconnaîtra la « patte » de Raphaël Sorin, qui fut dans une autre vie éditeur de Michel Houellebecq : le titre, directement inspiré du film Orange mécanique de Stanley Kubrick, une couverture orange fluo - la couleur réputée attirer dans les rayons des librairies -, une préface de Xavier Raufer, spécialiste de la violence et du terrorisme, par ailleurs conseiller de plusieurs hommes politiques de droite, une table des matières construite comme un compte à rebours, de 10 à 0, un auteur jeune et médiatique, et une écriture nerveuse qui ne laisse pas le lecteur respirer. Depuis, la polémique va bon train, tant sur le Net que dans la presse. L’auteur a été invité de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, et le livre a fait l’objet de nombreuses analyses dont une grande enquête fouillée de Claude Askolovitch dans Marianne.
Son éditeur loue ses qualités d’écrivain et le place sous le parrainage de Michel Houellebecq, s’indigne de la polémique et en joue. Il annonce aussi le prochain roman de Laurent Obertone pour la rentrée, fondé sur des faits réels et « tout aussi incandescent ». <