Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’il y a autour de la cuisine, le discours gastronomique, culturellement passionnant, plus que la recette en elle-même. C’est pour cela que j’ai créé les collections "Archives nutritives" et "Kawa", qui rassemblent des textes essentiels de la gastronomie. En les rééditant, je voudrais montrer qu’ils constituent les prémices de la cuisine contemporaine et qu’ils sont parfois à la base de certaines recettes utilisées par les chefs aujourd’hui. Mais même si je suis seul sur ce créneau, cela ne se vend pas.
Malgré quelques beaux succès, comme Comment faire la cuisine ? d’Olivier Nasti, écoulé à 6 000 exemplaires, cela reste difficile économiquement et je ne parviens pas à faire décoller ma production au-delà de 10 ouvrages par an. J’ai certes un public très fidèle, mais il n’est pas suffisant pour tenir. Je suis très dépendant de la presse et d’Internet, où je trouve à peu près la moitié de mon public. Les libraires ne jouent pas le jeu : ils ne gardent pas dans leur fonds des livres qu’ils vendent pourtant. Du coup, je suis devant une équation difficile à résoudre : dois-je faire des livres grand public avec de plus gros tirages pour assurer ma visibilité mais qui peuvent se révéler périlleux économiquement, ou des livres pointus, qui méritent d’être défendus mais qui ne se vendent pas ?
Je bricole sur Internet, en créant par exemple un site au contenu entièrement gratuit qui accompagnera la sortie de la suite de Comment faire la cuisine ?, prévue en 2015. Je noue aussi beaucoup de partenariats, seule économie possible pour une maison comme Menu fretin : Rêver le goût et la couleur, qui paraît le 20 novembre, a ainsi été élaboré avec la biscuiterie Poult de Montauban et la plasticienne Maeva Barrière. Mais je pense surtout que l’on devrait changer le système, sinon on va droit dans le mur. Il faudrait par exemple accorder plus de remise aux libraires, vendre en contrepartie en compte ferme et autoriser des soldes au bout de six mois. Et surtout arrêter de freiner la vente en ligne avec des lois qui au final, pénalisent les petits éditeurs.