Livres Hebdo : Comment appréhendez-vous cette 75e Foire du livre de Francfort ?
Jonathan Landgrebe : La Foire de Francfort, c’est toujours un moment important en Allemagne car c’est l’équivalent de votre rentrée littéraire en France : beaucoup de livres sortent à cette occasion, c’est donc un moment joyeux. Mais d’un autre côté, la situation géopolitique donne un contexte plus difficile cette année : après le début de la guerre en Ukraine l’an dernier, les tensions en Israël créent des remous.
Quels sont les impacts concrets des tensions entre Israël et la Palestine pour vous ?
C’est un impact sur le plan culturel, surtout. C’est le symptôme d’un monde qui ne va pas bien du tout. Il n’y a pas d’effet direct sur la vente de droits ou de livres, mais les discussions entre éditeurs sont forcément portées sur le sujet.
Que recherchez-vous durant cette foire ?
On recherche des voix uniques. Même si la conjoncture est difficile, je suis persuadé que nous allons trouver des auteurs qui nous permettront d’envisager l’avenir plus sereinement.
Comment se porte le marché du livre allemand ?
Depuis la pandémie, le marché a beaucoup évolué, avec un changement des titres qui se vendent le mieux ces dernières années. Il y a l’apparition de ce qu’on appelle ici le new adult, qui englobe notamment la new romance, et qui fonctionne bien avec le phénomène de best-sellerisation que vous connaissez également sur le marché français. Pour la littérature en général et les midlist books, c’est beaucoup plus difficile aujourd’hui.
En France, le marché des traductions régresse. Est-ce également le cas en Allemagne ?
Oui, c’est pareil, comme partout ailleurs. Ce n’est pas facile de vendre la littérature étrangère, sauf dans le segment du new adult dont je vous parlais. Nous avons la chance de publier Annie Ernaux, qui est probablement le plus grand succès de littérature étrangère actuellement en Allemagne. Il n’y a pas beaucoup d’écrivains étrangers qui ont autant de visibilité sur notre marché.
Comment vous adaptez-vous à cette évolution du marché allemand ?
Nous nous sommes lancés il y a trois ans dans la littérature jeunesse, avec notamment la collection « Little people, big dreams » qui fonctionne très bien en Angleterre et aux États-Unis. C’est un marché porteur qui nous offre de la stabilité. D’un autre côté, on recherche activement à combattre l’augmentation des coûts, qui explosent comme partout et rognent les marges. Comme en France, on observe une baisse de production des titres. Au niveau des ventes, si le volume baisse un peu, la valeur a légèrement progressé ces derniers mois à la faveur de l’augmentation des prix. Cependant, en 2022, l’ensemble des revenus de l’édition ont baissé de 1,9 %.
Est-ce que, comme en France, les éditeurs allemands se sont lancés dans l’adaptation BD ?
Le marché de la BD est totalement différent en Allemagne, avec des chiffres beaucoup moins importants qu’en France. Ce n’est donc pas un marché de replacement pour les éditeurs. Nous faisons quelques adaptations de romans ou d’essais en BD, mais c’est marginal.