Avant-critique Récit

Jean-Philippe Blondel, "Traversée du feu" (L'Iconoclaste)

Jean-Philippe Blondel - Photo © Celine NIESZAWER

Jean-Philippe Blondel, "Traversée du feu" (L'Iconoclaste)

Dans un récit ouvertement autobiographique, le romancier Jean-Philippe Blondel fait le point sur sa vie marquée par des drames familiaux et la maladie.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 25.01.2024 à 09h00

Que sa joie demeure. Traversée du feu s'achève en juillet 2023, par un chapitre intitulé « Jouir », sur ces simples mots : « La joie. » La joie simple pour l'auteur, Jean-Philippe Blondel, d'être « encore là », en vie, même précaire et soumise encore à des examens, après deux ans de lutte contre un cancer du système lymphatique, trois lymphomes diagnostiqués en mars 2021, à 56 ans. Les premiers mois furent difficiles, on s'en doute, jusqu'à juillet 2021 où Alberto, son médecin traitant, l'un de ses anges gardiens, lui a annoncé : « Techniquement, tu n'es plus malade », puis, avec ses mots à lui : « Il faut remballer tout ça. » Au début, le patient a eu du mal à y croire, et puis il a réalisé que son corps avait superbement réagi aux traitements, pénibles, qu'on lui a administrés. Donc, guéri, « techniquement ».

Le choc initial passé, Jean-Philippe Blondel, qui depuis 2003 et jusque-là n'avait publié que des romans pour adultes et jeunesse, a réagi en écrivain. Le prof d'anglais de Troyes s'est mis à raconter ce qui lui arrivait, sans pathos, et même d'une façon distanciée, comme si tout cela concernait un autre, l'un de ses personnages. Davantage encore que dans le fictionnel Et rester vivant (Buchet Chastel, 2011), il a en profité pour se mettre au clair avec lui-même et avec son histoire, pour se livrer à une sorte de bilan, d'examen de conscience. Rescapé de ce qu'il appelle joliment sa « traversée du feu », Blondel se considérait déjà comme un miraculé, un survivant. En 1982, sa mère et son frère aîné, le chouchou de son père, celui qui était en passe de réussir brillamment dans une école de commerce, se tuent dans un accident de voiture. Le père, lui, blessé, s'en tire, mais mourra à son tour, quatre ans plus tard, dans un autre accident. Les deux fois, Jean-Philippe n'était pas à bord.

Ces tout petits-bourgeois provinciaux (mère directrice d'école maternelle, père chef de gare SNCF) rêvaient pour leurs fils de l'ascenseur social et essayaient de s'ouvrir à une culture qui les dépassait. Blondel eut avec eux des rapports compliqués − avec son père, surtout, colérique, grossier voire violent − et les dépeint avec une certaine cruauté satirique. Et puis, en juillet 2021, il adresse une lettre, bouleversante, à ses parents et son frère, les nommant pour la première fois : Andrée, Michel et Jean-Pascal. Il accepte enfin leurs morts, qu'il n'a pas voulu assumer sur le moment. La maladie lui a servi à faire son deuil, près de quarante ans après. Blondel, par bonheur, est bien là, vivant. Et il a écrit un fort beau livre.

Jean-Philippe Blondel
Traversée du feu
l'Iconoclaste
Tirage: 6 500 ex.
Prix: 20,90 € ; 208 p.
ISBN: 9782378804077

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