Compagnon planétaire. En prévision de l'exposition universelle de 1889, Camille Flammarion (1842-1925) est pressenti pour diriger un pavillon d'astronomie. À cette occasion, il sollicite un jeune artiste trentenaire qui répond à sa demande avec une somptueuse Nuit étoilée. Grand lecteur de L'astronomie populaire (1879), Vincent Van Gogh a observé les premières photographies de galaxies spirales fournies par Flammarion. L'anecdote résume parfaitement la vie de ce vulgarisateur hors pair : la science, le rêve et le lien que l'on peut faire entre les deux. Ajoutons-y une forme de spiritualité liée à sa fréquentation des milieux spirites et de l'œuvre d'Allan Kardec. Sa mère l'aurait voulu ecclésiastique, il fut le grand prêtre des étoiles, celui qui sait si bien parler d'elles en imaginant des histoires un peu folles, tandis que son frère Ernest diffusera cette science populaire et sera à l'origine d'une grande entreprise éditoriale.
Historien des sciences fécond, auteur d'une trentaine d'ouvrages, théologien catholique, chargé des questions éthiques au Centre national d'études spatiales (CNES), Jacques Arnould a voulu comprendre la motivation de celui qui affirmait : « C'est parce que je crois en Dieu que je ne suis pas chrétien. » Le silence des espaces infinis n'effraie pas Flammarion. Au contraire, il stimule son imagination qu'il a fertile. Ses livres, à commencer par son premier ouvrage, La pluralité des mondes habités (1862) figurent à l'Index des livres interdits par l'Église catholique. Il se vengera dans La fin du monde (1894) en décrivant la trajectoire d'une comète se dirigeant vers Rome... Selon lui, il y a incompatibilité entre le dogme catholique et les découvertes. Il n'en est pas pour autant scientiste et affirme : « L'infini prouve Dieu. » Ce chasseur de vérité la sait fuyante et il évite les chapelles où l'on dit qu'elle se trouve, y compris celle des positivistes d'Auguste Comte.
Depuis sa maison de Juvisy-sur-Orge transformée en observatoire, il scrute le ciel. En 1876, il défend l'idée d'une planète Mars habitée, peut-être par des animaux ou des Martiens bâtisseurs des fameux « canaux ». Il ne reconnaît son erreur qu'en 1922. « Nous habitons une terre du ciel qui n'a reçu aucun privilège spécial. » Sauf de n'être que « le songe d'un instant » ajoute-t-il. Un siècle avant Hubert Reeves, il avait envisagé que nous ne soyons que des « poussières d'étoiles ».
Jacques Arnould décrit fort bien l'esprit de Flammarion. Pour ce dernier, tout est dans la nature, y compris Dieu. Rien n'est surnaturel. Voilà pourquoi il en appelle à la modestie, à cette honnêteté qu'il défend à travers une science pour tous, envisagée comme une aventure collective, avec le plaisir du savoir et la saveur du doute. Dans le débat récurrent qui consiste à vouloir nier ou prouver l'existence de Dieu par la science, la position humble et rêveuse de ce « pèlerin des étoiles » est audacieuse et Jacques Arnould lui redonne toute sa force dans cet essai plein d'empathie et de curiosité.
Camille Flammarion. Le pèlerin des étoiles
Cerf
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 18 € ; 166 p.
ISBN: 9782204158992