Neuf héroïnes. Elles sont magnifiques. Engagées, téméraires et si peu connues. La mémoire les a oubliées, mais elles ont compté dans la lutte clandestine contre le nazisme. Elles ont pris part au combat, sans prendre les armes certes, mais en prenant tout autant de risques : l'arrestation, les camps, la mort. Il a fallu attendre le début des années 1980 pour qu'émerge enfin le rôle de ces Allemandes dans la résistance à Hitler. Pourtant, dès 1954 dans Das Gewissen steht auf (« La conscience se lève »), parmi soixante-quatre figures qu'elle avait retenues, Annedore Leber, veuve du résistant Julius Leber, reconnaissait le rôle de ces militantes de la première heure, comme Sophie Scholl. Après bien d'autres études souvent non traduites en français, Hélène Camarade (université Bordeaux Montaigne) nous propose une synthèse éloquente du sujet à travers neuf parcours individuels « révélateurs de trajectoires collectives ».

Hilde Radusch, Käthe Kern, -Elisabeth Schmitz, Cato Bontjes van Beek (membre de l'Orchestre rouge), Sophie Scholl (membre de la Rose blanche) et Inge Deutschkron sont communistes, socialistes ou sociales-démocrates. Käthe Jacob vient du milieu ouvrier, Freya von Moltke, de l'aristocratie, le spectre est large. Les personnalités diffèrent également, tout comme la religion ou l'implantation géographique. Ainsi Nora Block, qui ouvre la série, fut exilée en France puis en Suisse. « Retracer leurs parcours permet tout d'abord de saisir les valeurs, les idées ou les convictions qui en ont fait des ennemies viscérales du national-socialisme et les ont conduites à vouloir le combattre. »

Cette bataille, qui a duré douze ans pour la plupart d'entre elles, se manifeste le plus souvent par une action de contrepropagande. L'arme, c'est le tract. Ce sont elles qui les diffusent pour informer sur les réalités du pays. Ce sont elles aussi qui servent de boîtes aux lettres, assurent le ravitaillement du réseau et l'hébergement. Dans leurs tâches délicates, elles sont favorisées par les stéréotypes machistes des nazis qui n'imaginent pas les femmes suffisamment intelligentes pour s'opposer à eux. Ce biais sexiste leur permet parfois d'échapper à des interrogatoires en jouant sur leur supposée naïveté. « Sur le plan de la répression, si les statistiques montrent que les femmes ont été moins traquées, moins jugées et moins condamnées à mort que les hommes, celles-ci n'en ont pas moins été exposées à une implacable répression tout au long du régime. » Sur ces neuf rebelles, deux ont été exécutées en 1943 : Sophie Scholl à 21 ans et Cato Bontjes van Beek à 22 ans.

Que ce soit dans l'histoire, les arts ou les sciences, l'invisibilité des femmes paraît diminuer. C'est certainement l'un des effets du mouvement #MeToo. Mais c'est aussi grâce à des recherches comme celle d'Hélène Camarade. La coautrice de Samizdat (Nouveau Monde Éditions, 2023) a puisé aux meilleures sources pour raconter ces femmes admirables. Des héroïnes du quotidien ? Non, plutôt le quotidien de neuf héroïnes.