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Foire du livre de Pékin : l'effervescence... sans les éditeurs français

La Beijing International Book Fair (BIBF) s'est tenue du 18 au 22 juin - Photo Ambassade de France en Chine

Foire du livre de Pékin : l'effervescence... sans les éditeurs français

Alors que le marché du livre chinois reste en forte croissance et que la Beijing International Book Fair (BIBF), qui se tenait du 18 au 22 juin, multiplie les initiatives autour du numérique et de l’édition académique, la présence française s’est faite très discrète cette année. Un contraste révélateur, à l’heure où les cessions de droits francophones en Chine marquent le pas.

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Par Judith Oriol
Créé le 15.07.2025 à 17h00

Portée par un vent d’optimisme et une croissance du marché du livre chinois à deux chiffres, la Beijing International Book Fair (BIBF) s’est déroulée du 18 au 22 juin au China National Convention Center. Pourtant, peu de professionnels français avaient fait le déplacement jusqu’à Pékin, dans un contexte de fléchissement des traductions de livres français en Chine.

Un marché en croissance à deux chiffres...

Selon OpenBook, le marché du livre en Chine se porte bien. Évalué à 112,9 milliards de yens (13,5 milliards d’euros) en 2024, il affiche même une croissance de 10,77%, en glissement annuel, au premier trimestre 2025. Organisée par la China National Publications Import and Export (Group) Corporation (CNPIEC), la BIBF est d’abord un rendez-vous professionnel, avant d’ouvrir au public le week-end. L’édition numérique y avait cette année son propre pavillon, dédié à la littérature sur le web et aux outils d'édition alimentés par l'IA, et a été largement débattue, notamment dans le cadre de la conférence PubTech organisée avant l’ouverture, le 16 juin, sur le thème Publishing's Future Empowered by Technology.

Alors que la foire réunissait des représentants de plus de 200 bibliothèques et instituts de recherche, c’est le marché académique qui était le principal agenda de cette édition, dans un contexte d’augmentation des budgets d'acquisition de ressources électroniques des bibliothèques universitaires chinoises et de croissance rapide des revenus numériques des éditeurs universitaires. Un espace – l’Academic Digital Publishing Hub – était entièrement dédié au développement des ressources bibliothécaires en ligne, et un nouveau forum, organisé le 17 juin avec l'Association internationale des éditeurs scientifiques, techniques et médicaux (STM), s’est penché sur les pratiques innovantes en matière de science ouverte pour favoriser une édition universitaire globale dans la région APAC.

Avec la participation de 1700 exposants provenant de 80 pays (contre 71 en 2024), Lei Jianhua, directrice du BIBF et vice-présidente de la CNPIEC, s’est réjouie de la participation internationale : « Nous sommes heureux de voir de nouveaux pays représentés : le Bangladesh, le Chili, Chypre, la Croatie, la Biélorussie, Oman, l'Éthiopie, le Kenya et la Jamaïque. » Après l’Arabie saoudite en 2024, et l’Algérie en 2023 (le Pakistan et Cuba précédemment pour élargir le tableau géopolitique), la Malaisie était à l’honneur cette année.

... mais une mince délégation française

La France y était présente, avec un stand français réduit de 30% et une mince délégation. « Nous avons eu du mal à attirer les professionnels à Pékin : ils sont trois à avoir fait le déplacement alors qu’ils étaient douze en 2024 » explique Christine Karavias, responsable de projets chez France Livre. Bayard, les éditions de l’EHESS et Glénat ont été rejoints sur place par l’équipe de Dargaud Shanghai pour représenter Mediatoon et par l’agente de Casterman basée à Hong-Kong.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce détachement, des dates concomitantes avec celles de la Seoul International Book Fair jusqu’à la concurrence, sur son territoire, de la China International Children’s Book Fair qui attire les éditeurs Jeunesse à Shanghai au mois de novembre. Annie Li des droits étrangers de Bayard nous le confirme : « Cela fait plus de 10 ans que Bayard n’a pas participé à la BIBF. Je voulais voir la différence avec la foire de Shanghai qui est vraiment focalisée sur la Jeunesse et qui me semble plus adaptée à notre catalogue. » 

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Le Stand France - Photo AMBASSADE DE FRANCE EN CHINE

Cessions de livres français : la fin de l'âge d'or

De plus, l’âge d’or des cessions de droits de livres français en mandarin semble révolu. Selon le dernier rapport statistique du Syndicat national de l'édition, le nombre de cessions en Chine est passé en 2024 sous la barre des 1000 : 993 cessions, contre 1244 en 2023, ou 2130 contrats en 2017, point culminant de notre lune de miel. Le segment Jeunesse caracole toujours en tête avec 552 cessions (contre 713 en 2023), soit plus de 55% de la totalité des cessions à lui seul. La Chine qui représente 15% du chiffre d'affaires de Bayard en cessions figure dans le top 3 des pays achetant le plus de titres à Annie Li. Qu’est-ce qui s’y vend le mieux ? « Depuis toujours, le documentaire et depuis quelques années, les livres jeux d'enquêtes et la BD jeunesse. La petite enfance est plus difficile, à cause de la baisse de natalité et des coûts de fabrication élevés. » Un de ses auteurs phares, Hervé Tullet, était d’ailleurs le seul français programmé à la BIBF, alors qu’il faisait une tournée en Chine à l’invitation de son éditeur chinois, Jieli.

Un segment s’en sort mieux que les autres : les SHS, avec 147 cessions en 2024 (contre 145 en 2023). À contre-courant, Iulian Miron, chargé de coopération internationale aux éditions de l’EHESS confirme ne pas être affecté par cette baisse : « Nous réalisons presque autant de cessions en chinois simplifié et traditionnel qu’en anglais. Nous travaillons avec des éditeurs chinois depuis 2008 pour des traductions de titres de notre fonds - certainement davantage que dans d’autres langues, y compris l’anglais, l’italien et l’espagnol -, mais aussi de nos nouveautés ». Les grandes figures des SHS y suscitent toujours autant d’intérêt, comme les titres de sa collection « Audiographie. La voix des sciences sociales », mais les débats contemporains actuels en Occident intéressent moins la Chine qui, à l’évidence, regarde dans d’autres directions. Et il n’y avait qu’à se promener dans les allées de la BIBF pour le comprendre.

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