La France serait-elle dans la m… ? En tout cas, en librairie, elle fait honneur aux humeurs peccantes. Il n’est que de voir le succès du Charme discret de l’intestin de Giulia Enders (Actes Sud, 2015) qui a franchi allègrement la barre des 600 000 exemplaires. Dans l’esprit de ce record du boyau, Antoine de Baecque s’est souvenu que L’art de péter de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut (1719-1791) qu’il avait eu le nez de rééditer en 2006 chez Payot s’était vendu à plus de 100 000 exemplaires. Sur le même air vicié, l’historien propose une anthologie des auteurs qui ont célébré les vents mauvais. Dans son introduction à ce Club des péteurs, l’ancien responsable des pages culturelles de Libération justifie avec une certaine flamme philosophique son florilège malicieux qui ferait passer Tolstoï pour l’auteur de guerre et pet. "En définitive, le pet est surtout la chambre initiatique, la marmite bouillonnante, d’un exercice de la langue." Il est vrai qu’il y eut Rabelais, Zola, Céline ou Genet pour célébrer les flatulences auxquelles les Egyptiens dédièrent un dieu. De Cicéron à Gainsbourg qui publia chez Gallimard en 1985 le récit d’un peintre pétomane dépressif (Evguénie Sokolov), il semblerait qu’au pays de Marcel nous sommes passés de Proust à prout. En tout cas, avec sa centaine d’auteurs, cette encyclopédie truculente où le gaz s’affiche à toutes les pages réserve autant de surprises que d’accablements car on n’imaginait pas qu’autant de beaux esprits se soient laissés emporter par ces vents pas vraiment lointains, à l’image de ce dialogue de Sacha Guitry : "Vous n’aimez pas les pétomanes, vous… - Oh ! Je ne peux les sentir !"L. L.