Du terrain de foot à celui de l'histoire, il n'y a parfois que la proximité d'un tacle. C'est ce que nous montre François da Rocha Carneiro. Son Histoire de France en crampons n'est ni une histoire de la France ni une histoire de l'équipe de France dont il fit le sujet de sa thèse. Il s'agit de « prendre quelques matchs de l'équipe masculine de football et essayer de comprendre un aspect de ce qu'est la France à ce moment-là ». A priori, c'est simple comme un penalty. Pourtant, l'exercice est difficile comme un penalty, surtout s'il ne veut pas apparaître artificiel. Mais François da Rocha Carneiro a du métier − un livre remarqué, Les Bleus et la Coupe, chez le même éditeur en 2020 − et une plume élégante. Il sait comme nul autre résumer un match en quelques lignes. Ensuite, il sait les choisir sur les neuf cents qui se sont déroulés depuis 1904, année de la création de l'équipe de France. C'est tout le défi de cet ouvrage qui répond à la question : « De quelle histoire de France les matchs de son équipe de football sont-ils le nom ? » La réponse tient en un mot : diversité. L'historien rappelle une réalité. « La France, contrairement à nombre de ses voisins, fait figure de pays d'immigration et non d'émigration. » En quatre parties chronologiques, François da Rocha Carneiro garde la maîtrise du jeu. Dès les premières rencontres, l'origine des joueurs surgit dans les commentaires, comme dans ce France-Belgique (1-2) en 1908. « À peine est-elle née que l'équipe de France de football profite des effets de la loi de 1889 qui inscrit le droit du sol dans la législation républicaine. » Le jus soli se révèle dans la France du ballon rond.
Un match est aussi l'occasion de délivrer quelques messages. Il est très clair à destination du régime nazi lors d'Allemagne-France (3-3) en 1933 à Berlin. On le retrouve dans l'Italie-France (1-0) en plein chaudron fasciste. Le résultat importe moins que le témoignage. Sur la pelouse, la France fait la démonstration - ou pas - de ses qualités à travers le choix du sélectionneur et le jeu des joueurs. Vichy prend le chemin de la sortie lors du Espagne-France (4-0) en 1942. Le France-Suisse (0-0) en 1958, voulant faire sans une « équipe du FLN », voit la disparition de dix footballeurs algériens dont Rachid Mekhloufi.
Dans son argumentation, François da Rocha Carneiro évite le hors-jeu. Il sait rester dans les limites de l'histoire du sport, dans les éclairages qu'elles apportent. Elles sont évidentes lorsque les joueurs menacent de faire grève en 1938, dans leur rébellion contre leur équipementier Adidas en 1978 ou même lors des attentats à Paris le 13 novembre 2015 où le match France-Allemagne (2-0) est la cible des terroristes. Le stade aussi est un réceptacle des passions, plus ou moins avouables. « La première victoire d'une équipe de France sur son adversaire anglais en 1921 fut qualifiée par la presse de "revanche de Waterloo". » Mais il en est de l'histoire comme de la balle sur le terrain. Elle va toujours plus vite que le joueur...
Une histoire de France en crampons
Éditions du Détour
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 18,90 € ; 224 p.
ISBN: 9791097079680